Le 14 octobre se tenait la 4éme Édition #rmsconf à Paris. Réunissant plus de 600 participants, il est le plus grand événement en France sur le recrutement innovant.
J’avais le plaisir d’être un invité canadien et psychologue organisationnel de surcroît. J’y présentais le rôle grandissant des sciences comportementales dans les transformations du métier du recrutement. Cette présentation faisait suite à mes deux articles : « Les 15 métiers RH de demain » (publié en mars 2013 sur mon blog) et « Le recrutement 2025 vu par Jean-Baptiste Audrerie » (publié en juillet 2014 sur #rmsnews). l
A l’espace Prospective de la conférence #rmsconf, se tenaient les débats d’anticipation. On y a parlé des transformations numériques engagées par l’informatique, les technologies, les réseaux sociaux, le mobile et les objets connectés. On y a questionnait les organisations, les pratiques et le métier de recruteur.
[youtube https://www.youtube.com/watch?v=yRRlt8m7Vw0&w=560&h=315]
Voici quelques-unes des grandes lignes qui se sont exprimées pendant la journée.
Idée 1 : La convergence des BRING, nouvel Eldorado de croissance
Le portrait de la situation :
La Biologie, la Robotique, l’Informatique, les Neurosciences et la Génétique vont converger avec l’aide des technologies et des algorithmes. Tout cela se passe déjà aujourd’hui. L’avènement depuis 2011 des objets connectés et des Brain Computer Interface (BCI) érigent des ponts entre le biologique et l’informatique. Ils relient maintenant les données de nos activités cérébrales, physiologiques et de notre génome aux machines numériques et aux calculateurs surpuissants. L’Homme Digital, l’Homme Augmenté, l’Homme 3.0 sont en marche.
Comme l’énonce clairement le Dr Laurent Alexandre dans sa conférence d’ouverture, les traitements de données de masse et en continu accomplis par le Big Data permettent déjà de corréler certains facteurs de risques avec des symptômes et de prédire certaines maladies. De la même façon, certains critères de sélection ou la visualisation de certaines variables sur la performance de l’entreprise (notoriété, ventes, rentabilité, engagement, satisfaction, pertinence du management, etc.) sont maintenant possibles. « Possible » ne veut pas dire « Applicable » à tous aujourd’hui. Mais le taux d’adoption de ces technologies de moins en moins coûteuses et la rapidité de grands acteurs du marché (Google, Amazon, Facebook, Appel) ou de nouvelles start-up à proposant une offre de rupture font avancer rapidement le champ des possibles.
Les conséquences pour les RH :
Le recrutement sera instruit par la combinaison inédite des sciences cognitives, des robots, des nanotechnologies, des algorithmes et de la génétique. Réunies, ces sciences donnent un accès incommensurable à de nouvelles informations comportementales, biologiques et neuronales. Elles engendrent de nouveaux processus, de nouveaux acteurs, de nouvelles décisions et de nouveaux enjeux éthiques.
Évaluer un candidat ou un employé, anticiper les besoins en main d’œuvre, mesurer les styles sociaux-cognitifs-affectifs, personnaliser les tâches et les apprentissages, piloter les parcours de carrières, développer le leadership, mieux comprendre et simuler les scénarios décisionnels concernant les employés ou tout simplement offrir de nouveaux services ultra ciblés aux organisations et aux individus seront parmi tant d’autres activités bouleversées par la combinaison de ces sciences.
Idée 2 : Les super pouvoirs des GAFAs
Le portrait de la situation :
Dans sa conférence d’ouverture, Dr Laurent Alexandre nous prévient, l’union GAFAs (Google, Apple, Facebook, Amazon) et la grande convergence des BRING nous conduit tout droit au tsunami digital et au grand bouleversement techno-social de l’ordre du monde et de nos petites vies. Le point de Dr Alexandre est surtout de nous alerter sur la concentration des pouvoirs informationnels et des pouvoirs substitutifs des grands acteurs du web. Google peut remplacer les jobboards. LinkedIn remplace les listes des chasseurs de têtes d’autrefois. Apple Watch peut remplacer votre coach sportif et votre médecin de famille.
Les conséquences pour les RH :
En centralisant toutes les étapes de la chaine de valeur avec les appareils mobiles et les objets connectés, il sera encore plus facile et plus spécifique de mesurer, de corréler, de cartographier, de segmenter et de cibler les citoyens, les clients et les talents, les étudiants. La vie intime croisée avec les données produites par les objets numériques mobiles ouvrent un champ des possibles immense pour interagir, lire, comprendre, suivre, détecter, personnaliser et contextualiser les communications avec les talents internes et externes. Il en est de même pour les organisations et les comportements des employés qui agissent et créent des données utilisables pour caractériser, référencer et modéliser les entités vivantes. Les acteurs majeurs concentrant toutes ces données écraseront de leur suprématie des pans entiers d’écosystèmes. Mais aussi, cela crée de nouvelles attentes, de nouveaux besoins et de nouveaux écosystèmes de création de contenus, de services d’intégration, d’interprétation de données, d’exploitation intelligente, d’éthique.
Idée 3 : Le DRH 2025, social et transformationnel
Le portrait de la situation :
Jean-Marc Mickeler (Associé, Directeur des Ressources Humaines Deloitte France), Sylvie Chauvin (Directrice des Ressources Humaines Cadremploi et Présidente des DRH du net), Didier Baichere (VP Human Ressources DCNS Group) Emeline Bougoin (VP Human Ressources Dailymotion) répondaient aux questions de David Abicker, ancien DRH et journaliste sur l’évolution du rôle du DRH en 2025.
Le DRH se transforme en agent de gestion des perturbations (concept VUCA décrit ici). Il s’appuie sur l’émergence de l’employé intrapreneur contractuel (comprendre la fin du contrat de travail) pour rendre l’organisation plus agile (télétravail) mais il doit renforcer sa capacité à mobiliser et sécuriser (contrat social). La gestion des transformations numériques des organisations le conduit à impulser au plus haut niveau des changements culturels et à accélérer l’adoption de nouvelles organisations du travail (collaborations, partenariats, gestion de projet). Enfin, le DRH souhaite le recentrage vers le dialogue et l’innovation sociale (comprendre réduction du rôle administrativo-juridique).
Les conséquences pour les RH :
Pris dans son histoire administrative et juridique pesante, le DRH doit se hisser au plus haut des lieux de décisions pour anticiper, orienter, décider et innover avec le capital humain de l’organisation.
La recherche d’une place à la table des décisions stratégiques devient clé dans son évolution pour le bénéfice de l’organisation. L’exercice de veille sociale et des affaires, les habiletés d’expression dans le langage des affaires et le pouvoir de négocier deviennent les nouveaux leviers d’influence des RH. Dans un monde en mutation, dont les employés ont besoin d’être accompagnés par des DRH forts.
#RMSConf 2014 Recrutement Innovant – Photos Jean-Baptiste Audrerie
Idée 4 : Le cerveau, nouveau terrain de chasse des recruteurs de 2025
Le portrait de la situation :
Plus on avance dans les moyens technologiques mobiles et connectés, plus ils touchent au biologique et au neurologique (Montre Apple Watch, Google Glass). La connaissance de chacun devient intime, hautement personnalisée et symbiotique. Les données de masse s’accumulent tant sur l’Homme que sur l’Individu, ses cellules et ses gènes. Les progrès des neurosciences nous conduisent vers un nouvel océan de connaissances sur le fonctionnement humain général et sur les spécificités individuelles. Jusqu’où aurons-nous accès à l’évaluation et la recherche fine d’adéquation entre la culture, l’équipe, l’emploi et l’individu ?
Les conséquences pour les RH :
Le recrutement devient scientifique, neuroscientifique même. Même embryonnaire, cette approche montre, comme en neuromarketing, qu’il est possible d’isoler des caractéristiques de l’environnement et des messages pour déclencher certains comportements et des réactions d’attention. En recrutement, il sera possible de trouver les traits, valeurs et motivation qui sont à la source de réponses biologiques de futures ressources performantes et enclines à s’intégrer à l’organisation. Il est possible d’attirer des candidats avec de meilleurs messages et une visibilité pertinente. Il est possible de mieux connaitre le potentiel d’une personne au-delà d’un parcours académique. Il est possible de prendre soin de la force de travail en étant attentif à certains indicateurs de stress, d’engagement, de santé physique et psychologique. Fin et subtil, ces nouvelles approches restent expérimentales mais bien réelles.
Idée 5 : Le Big Data, potentiel immense au goût de « Big Bug Data RH 2014».
Le portrait de la situation :
Les masses de données produites chaque jour individuellement et collectivement sont faramineuses. Leurs traitements avec des logiciels comme Hadoop permettent de faire émerger de nouvelles idées et des relations inattendues entre des variables. Les RH sont un univers de données qui s’ignore encore : sémantiques, numériques, textuelles, structurées et non structurées. Il est possible d’isoler des critères et des variables explicatives pour ajuster des décisions sur les compétences, la main d’œuvre, la performance, l’engagement et la motivation, le management.
Les conséquences pour les RH :
Le recrutement sans donnée n’existera plus. Le recrutement sans mesure ne sera plus crédible. L’analytique devient un incontournable : démonstration de la pertinence d’une campagne, définition de critères de recrutement prédictif, recherche de profils de performance atypiques mesurés par certains indicateurs contre-intuitifs, calcul du retour sur investissement (ROI), évaluation de la qualité d’une décision d’embauche en terme de rapport gains / coûts.
On sent encore une grande hésitation et une difficulté à bien comprendre la puissance de cette révolution technologique (je pèse mes mots). Les recruteurs doivent se préparer à utiliser des compétences analytiques ou les compétences analytiques viendront à eux.
Idée 6 : Les robots et avatars en intelligence artificielle, nos alliés perturbateurs.
Le portrait de la situation :
La présentation de Raja Chatila a permis de faire le point sur les différentes formes de robots.
En discussion, nous avons présenté Matilda (2011), Baxter (2012) et Watson (2011). Ce sont des robots et des logiciels d’intelligence artificielle avec reconnaissance vocale. Certains dialoguent. Certains questionnent. Tous apprennent. Tous diagnostiquent. Certains répondent. Et ils répondent très bien même ! Watson d’IBM, le plus évolué des formes d’intelligence artificielle dépasse l’homme et les jurys d’experts régulièrement (voir ici). Les avatars d’intelligence artificielles Siri (Apple IOS8) et Cortana (Windows Phone) sont déjà sur nos cellulaires. On nous promet des jours fantastiques.
Les conséquences pour les RH :
Les robots et les avatars en intelligence artificielle pourront aider les recruteurs à se concentrer sur une chose essentielle : le relationnel. Une fois la caractérisation du meilleur profil et du meilleur candidat, les agents d’intelligence artificielle scanneront et traquerons les candidats. Ils pourront administrer des tests, faire passer des entrevues de pré-sélection et combiner toutes les informations disponibles sur les candidats (vidéos, profils, activités, articles, commentaires, appréciation) pour émettre des recommandations d’emploi dans la matrice organisationnelle. Tout cela pour un moindre coût. La valeur ajoutée de l’humain sera l’analyse intégrée et la capacité d’engagement.
Pré-embauché, le candidat pourra être rencontré par le RH et les gestionnaires. L’usage des robots recruteurs vise des anticipations de besoin en main d’œuvre plus réalistes, des délais d’opération plus courts et plus économiques, des pipelines de candidats mieux gérés et des décisions d’embauche plus rationnelles et plus objectives (ne veut-on pas plus de justice et de justesse ?). Comme souligné dans les échanges du groupe de participants, ces outils seront aussi au service des candidats pour « sélectionner » le meilleur emploi disponible sur le marché selon leurs critères et leurs besoins explicites et tacites. Les robots n’ont pas fini de nous faire parler !
Merci à Jean-Christophe Anna, Laurent Brouat, Jennifer Bourkis et Pierre-Gaël Pasquiou de Link Humans pour cette expérience et les belles rencontres qui sont venues avec.
#RMSConf 2014 Recrutement Innovant Photos Jean-Baptiste Audrerie
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