Le monde change. Mais on recrute toujours comme il y a 50 ans. Avec toujours les mêmes questions. Et peut-être toujours les mêmes critères. Pour actualiser votre grille de sélection et vos entrevues, songez à ces 6 questions à poser aux cadres dirigeants et à leurs aspirants. Volontairement très orientées vers le digital, elles reflètent dans la plupart des secteurs les tendances d’affaires les plus lourdes. Et pourtant, beaucoup de cadres ne sont pas encore très au fait des transformations qu’ils devront initier et piloter.
Rapides à poser mais lourdes de sens, ces 6 questions vous aideront à positionner votre recrutement sur des sujets centraux pour les leaders d’aujourd’hui. Et vous, avez-vous changé vos lunettes ?
1- Présentez-nous votre vision de l’avenir.
Un modèle à suivre :
Quand Ginni Rometty CEO d’IBM, prend la parole en janvier 2014 lors d’une conférence, sa vision et ses orientations sont claires. Elle vise le Big Data, le Cloud et l’engagement social pour positionner son entreprise sur les rails du futur. Normal pour une grande entreprise technologique vous allez me dire. Ce qui frappe, c’est la considération de ces tendances lourdes comme des leviers stratégiques pendant que d’autres les considèrent tout juste ou les regardent avec méfiance. Mieux que cela, elle communique avec éloquence des perspectives innovantes et audacieuses. Savoir lire le futur. Faire du sens dans le chaos et le changement. Partager sa vision, voilà l’un des talents incontournables d’un exécutif.
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Idée à retenir : Faites de votre recrutement une étude de cas et une présentation devant un comité.
Les candidats devront répondre à des questions portant sur la compréhension de leur écosystème, la clairvoyance des variables et la formulation d’une vision inspirante. Quelles sont les forces actuelles qui modifieront les perspectives de revenus et de croissance de demain ? Dans quels marchés devrons-nous être demain ?
Les candidats devront présenter leur projet devant un comité et répondre aux questions comme dans la vraie vie devant un comité d’administration, une assemblée d’actionnaire, devant une table de financement, devant des employés et des médias. Est-il un fin communicateur adapté à votre culture ?
2- Comment développez-vous et partagez-vous votre stratégie ?
Un modèle à suivre :
Quand Peter Aceto devient CEO d’ING-Direct Canada (devenue Tangerine), il met en place une communication personnelle entre ses clients, ses employés et lui-même avec un blog Direct Talk, un compte YouTube, une page LinkedIn et un compte Twitter @PeterAceto. Il aborde le management, le leadership, les clients, sa stratégie. Il partage ses lectures et ses réflexions sur le monde des affaires. Un patron communiquant. Un patron social. Sachant tirer profit des outils sociaux. Il est d’ailleurs nommé patron communiquant de l’année en 2012. La mutation de l’identité de marque entreprise en Tangerine passe par la communication, le positionnement, la pédagogie. Un changement de nom est un méchant virage.
L’élaboration de la stratégie passe par une large consultation interne et externe. Sa diffusion exige des positionnements clairs, des messages forts et beaucoup de pédagogie pour les managers et les employés. Un « PDG Social » selon l’étude IBM rendrait l’organisation plus agile et plus adaptative en véhiculant mieux ses messages et en favorisant la collaboration ouverte et l’ouverture aux autres et aux idées.
Une idée à retenir : Questionnez les leaders sur leur approche pour impliquer leur entreprise, leurs clients et leurs partenaires dans l’élaboration de la stratégie.
Demandez plus spécifiquement comment ils comptent utiliser les outils digitaux et sociaux pour les aider à consulter, synthétiser, formuler, partager, diffuser et actualiser la stratégie.
3- Que faites-vous pour augmenter l’engagement des employés et des clients ?
Un modèle à ne pas suivre:
L’écart d’alignement des équipes de direction avec les enjeux digitaux et l’avancée des projets digitaux est un risque majeur comme le soulève le cabinet McKinsey dans son article Bullish on digital: McKinsey Global Survey results. L’étude montre que sur 5 enjeux digitaux (Big Data, Advanced Analytics, Engagement digital des clients, des employés et des partenaires externes, l’automation des processus et services et l’innovation digitale), les patrons surestiment l’avancée des projets par rapport aux cadres opérationnels qui notent des retards. Plus fort encore, ils sont seulement 31% en 2013 contre 23% en 2012 à être le sponsor d’un de ces projets pourtant jugé vital pour l’entreprise.
Une idée à retenir : Interrogez les candidats sur les projets digitaux qui transforment leurs entreprises, sur leur rôle et leur méthode pour donner la priorité à ce type de projets.
Questionnez les sur les conditions de réussite à l’implantation, sur la gestion du changement et sur les indicateurs de suivi.
Proposez enfin aux candidats et à leur relève d’élaborer des plans d’action et de formuler des recommandations basées sur leur expérience en introduisant des scénarios catastrophiques pour voir comment ils mènent le bateau dans un environnement turbulent.
4- Quel changement culturel significatif faut-il initier pour 2020 ?
Un modèle à suivre :
Quand McDonlad’s Canada décide de lever le voile sur ses produits pour reconquérir la confiance des clients, le CEO privilégie une approche radicalement transparente. Le site yourquestions.mcdonalds.ca et la campagne « Our Food. Your Questions.”est devenue LA référence en matière de transparence et gagne le prix du marketer en janvier 2013. Avec plus de 20 000 questions posées par les consommateurs, c’est vraie armée de réponses pour lutter contre le scepticisme et les rumeurs qui minent la confiance. En février 2014, une vidéo sur la fabrication des McNuggets lancée pour le SuperBowl tente de lutter contre une autre rumeur et devient virale.
La transparence, l’authenticité et l’éthique fondent la confiance. La responsabilisation et l’implication des talents contribuent à créer un milieu favorable à l’engagement. Cela se traduit aussi par des outils digitaux qui facilitent le dialogue et autorisent une communication dans les deux sens. Les dirigeants doivent avoir le courage de répondre aux questions que posent toutes les parties prenantes, pas seulement les actionnaires et le département finance !
Une idée à retenir : Nommez votre candidat CEO « Chief Engagement Officier« . Que propose t-il ?
Puis posez la question suivante : L’engagement des clients et des employés doit-il débuter par la « C-Suite », l’équipe de direction ?
Si oui, que doivent-ils faire dans les 3 premiers mois puis tous les jours pour augmenter l’engagement des clients et des employés ?
5- Quels sont les avancements digitaux et sociaux à mener ?
Un modèle à suivre :
Pour trouver son PDG, la compagnie écossaise de vêtements Lyle&Scott a demandé à son cabinet de recrutement Beringer Tame de le chercher sur les réseaux sociaux. La propriétaire souhaitait être en phase avec le marché du commerce de détail qui utilise la sociosphère pour connecter avec ses clients. Non seulement l’annonce fut faite via Twitter mais les candidatures ont rapidement afflué. Le candidat retenu devais utiliser Vine, un pinboard Pinterest et une vidéo sur Youtube pour présenter sa candidature.
La digitalisation modifie TOUS les modèles d’affaires. Que l’on soit dans les technologies de la Sillicon Valley, dans le commerce de détail ou dans les services BtoB. Les enjeux technologiques concernent TOUTES les entreprises cherchant à augmenter leur productivité et leur valeur, petites ou grandes. Les comportements d’achat de TOUS les acheteurs professionnels et de quasiment TOUS les consommateurs ont ou vont changer. L’innovation naît de l’écoute des clients, d’une culture de collaboration et de processus efficaces. Comment un PDG et ses directeurs intègrent-ils ses composantes dans leur leadership ?
Une idée à retenir : Évaluez le « Social Mindset » de vos dirigeants avec des exercices pratiques.
Mettez-le en situation devant des choix digitaux et de socialisation interne et externe.
Social Network Participation Among Forntune 500 CEOs
6- Comment assurez-vous votre présence digitale ?
Un modèle à suivre :
Le 5 février 2014, à son arrivé à la tête de Microsoft Corporation, le nouveau CEO Satya Nadella @satyanadella a rapidement réactivé son compte Twitter. Il voulait combler un vide laissé depuis 4 ans par son dernier tweet datant de 2010.
Un CEO prend parole et la communauté des affaires souhaite l’entendre directement. Le CEO est une marque corporative. Il n’a pas besoin d’être une rock star. Il doit être un créateur de sens, un véhicule de valeurs et le porte drapeau d’une organisation qu’il pilote. Il représente l’entreprise et assure une grande partie de sa notoriété, quelle soit petite, moyenne ou très grande. L’influence et la visibilité augmentent la notoriété et maximisent les efforts de communication. Pensez-y !
Une idée à retenir : Mesurez l’influence du dirigeant (score Klout ou PeerIndex) sur les réseaux sociaux puis questionnez-le sur ses choix de présence et son Personnal Branding.
Il peut-être sage de rester discret dans certaines industries comme il peut être préjudiciable d’être absent. En aucun cas son ignorance des outils sociaux et collaboratifs ne doit expliquer ses choix.
Les réseaux sociaux ne doivent pas masquer le fait qu’un dirigeant dispose d’un grand réseau formel et informel de contacts et d’alliés. Il est important de savoir comment il conjugue les deux au nom de l’entreprise.
Pour aller plus loin
Le compte-rendu de la présentation de la CEO d’IBM sur l’excellent blog de Mark W. Shaeffer.
L’étude IBM 2012 sur les CEO sociaux qui rendent leurs organisations plus performantes.
La culture fait partie des du modèle d’affaires pour Harvard Business Review
The CEO: Chief Engagement Officer: Turning Hierarchy Upside Down to Drive par John Smyth
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