Des bouleversements profonds
Quand la valorisation boursière de Snapchat atteint quatre ans après sa création 15 milliards de dollars, on peut se demander quel sera l’impact du digital sur le marché de l’emploi. Quand la capitalisation boursière de certaines licornes (start-up dépassant le milliards de dollars de revenus) dépassent celles de grandes entreprises aux actifs bien tangibles, on peut se poser la question de l’avenir de certains emplois dans l’économie.
Il suffit de parler aux commerçants de la rue pour entendre le même constat. Les clients achètent maintenant sur Internet. Les hôteliers, les restaurateurs, les taxis, les vendeurs d’autos, les conseillers bancaires, les publicitaires, les profs et les agents immobiliers ont tous vu leurs métiers changer silencieusement mais sûrement. Qu’ils soient indépendants ou employés, leur travail a changé. Leurs compétences sont menacées d’obsolescence s’ils ne se mettent pas à la page. Pire, beaucoup d’entreprises ont vu leurs revenus fondre et plusieurs ont fermé leurs portes faute de protection de leur marché et d’un avantage concurrentiel fort.
L’économie digitale, c’est l’économie de l’accès, du partage, des objets connectés, de la donnée et du web social. Ces économies additionnées bouleversent l’économie traditionnelle, réelle et physique.
La nouvelle frontière digitale
Les modèles d’affaires ont tous été « disruptés » !
Depuis dix ans, de petites start-up court-circuitent les filières établies, substituent une offre par des services en ligne ou créent un nouveau service. Pensez à Uber, Lift, Houzz, Youtube, Periscope, AirBnB, Le Bon Coin, Criteo, LinkedIn, eBay, Amazon, etc.
Attention, quand le digital est en rupture avec les modèles d’affaires existants, il capte la création de valeur de toute une filière rapidement et globalement.
Il y a maintenant un software, une plateforme ou une application mobile pour tout.
Les entreprises non digitalisées se ringardisent vite. Leurs marchés s’effritent. Même le restaurant institutionnel doit jouer avec le web (Open Table) des réseaux sociaux (Yelp, Facebook) et des technologies de gestion des achats et des stocks pour rester attractif et compétitif.
Mais le digital, ce ne sont plus seulement les start-up et les « Pure Players« , ce sont toutes les organisations qui développent et consomment du numérique (logiciels, plateformes, équipements, intelligences, conseils, contenus). Elles ne font que consommer du digital sans se placer à la source de la création de valeur. Pour autant, les employés doivent apprendre l’usage croissant et parfois complexe du numérique.
Plusieurs facteurs simultanés créent le chaos. Les logiciels de gestion intégrés, le web, le web mobile, le cloud, le commerce en ligne, les places de marché, le crowdsourcing changent la donne. A cela s’ajoutent maintenant les objets connectés, les robots, le big data et l’analytics, le Maching Learning et l’intelligence artificielle dont le pouvoir perturbateur est plus grand encore. Voir mon article sur les 6 innovations qui digitalisent les RH et l’article sur les innovations de ruptures qui vous ferons perdre votre emploi.
Destruction et transformation en même temps
Beaucoup de métiers disparaissent. Beaucoup se créent. Tous évoluent.
Ce n’est pas que la mise en marché et la vente qui sont concernées par le digital. C’est toute la chaine logistique, les processus administratifs (comptabilité, finances, RH), les technologies d’analyse et de diagnostic, les services en ligne Saas (Software As A Service), la production de contenus et les bases de données relationnelles. Ce sont toutes les compétences administratives, de services clients et de gestion de toutes les entreprises qui sont touchées. Les exécutifs comme les employés doivent se mettre à la page. Ensuite, ce sont toutes les expertises métiers (média, éducation, transports, énergie, santé, etc.) qui doivent évoluer pour suivre les nouvelles lois du marché. Lire mon article L’effet Kodak, tout ce qui va disparaître.
Certes, les jardiniers, cuisiniers, aide-soignants, serveurs, sommelier, conducteur de pelleteuse ou décorateur d’intérieur continueront d’exister mais avec des outils digitaux comme auxiliaires pour gérer leur temps, leurs déplacements, leurs activités, leurs réseaux de contacts. Et puis, les emplois digitaux en France sont estimés à 800 000 en 2014. Même s’ils sont en forte progression, c’est loin d’être une majorité.
Finalement, beaucoup d’emplois numériques sont délocalisés en Inde, Asie, Afrique. C’est l’autre effet de la dématérialisation de l’économie de l’information. Le digital met en réseau les ressources au meilleur coût où qu’elles soient. Ce n’est donc pas parce que l’on a les nouvelles compétences (programmation, codage, gestion de réseau, design, automation, etc.) que les revenus et l’emploi sont un eldorado. Le marché des compétences digitales est plus mondial que celui de l’économie domestique et sociale !
Menace sur les organisations
Toutes les organisations sont concernées (même la fonction publique !).
La pression du web mobile et la recherche de compétitivité, d’efficience et de nouveaux revenus attisent la dynamique digitale. Surtout si on doit prendre une position dominante en devenant le premier de son marché, la course au digital entraine des changements rapides dans l’écosystème. Les états majors sont souvent pris de court ou nient l’impact d’un nouvel entrant digital.
Les organisations doivent repenser la relation client, les marchés, la stratégie, les capacités, les outils et les processus et bien sûr les talents nécessaires.
Demain, toutes les entreprises seront des entreprises de Technologies de l’information.
Peter Sondergaard, Senior Vice President and Global Head of Research, le patron du digital business chez Gartner.
Se digitaliser quand on est une organisation
Dans le livre Leading Digital – Turning Technology Into Business Transformation de Westerman, Bonnet, McAfee aux éditions Harvard Business Review Press, la maitrise des technologies et la capacité à conduire le changement sont deux leviers clés de la transformation digitale des entreprises traditionnelles.
Nul besoin d’être un géant pour devenir leader. Les petites structures avec l’approche du Minimum Valuable Product (MVP) lancent des produits et services en développement.
De nouvelles compétences organisationnelles sont donc requises :
Stratégie digitale (pensée numérique, nouvelle culture, nouveaux modèle d’affaires)
Intelligence d’affaire (vigie concurrentielle, écoute des clients, business plan, investissement en mode start-up)
Gouvernance et transformation digitale (gestion du changement)
Agilité (décisions rapides, structures adaptées, initiatives et autonomie des leaders)
Gestion de projet (qualité d’exécution des projets)
Innovation (culture ouverte, technologies, processus, produits et services)
Collaboration (diversité, partenariats)
Médias sociaux (présence sociale, engagement social, Social Learning)
Apprentissage continu (cadres, employés)
Données et analytiques (mesures, exploitation des données)
Design (Esthétique, marque, ergonomie, expérience usager).
Stratégie de développement continu et d’acquisition de nouvelles compétences
Transformation into the digital world isn’t a question of if, it’s a question of how fast.
Gene Hall, Gartner CEO at Gartner Symposium
Obsolescence des métiers et des compétences
Il y a les métiers digitaux et les métiers digitalisés.
De nouveaux métiers digitaux émergent rapidement (Cloud, Web Mobile, Sécurité, eCommerce, Paiement mobile, etc.). Plus qu’un effet de mode, le digital tire la croissance des nouveaux emplois. Les postes de « Chief Digital Officer » seraient voués à remplacer les CIO (Directeurs informatiques) car ils sont plus orientés vers les affaires que vers la technique (voir quelques statistiques regroupées sur la page du premier congrès des CDO).
Et les métiers digitalisés changent sous l’effet des nouveaux enjeux, processus, outils et services. Ne dit-on pas que 50% des nouveaux emploi sur le marché d’ici 2020 n’existent pas encore. Pour cette catégorie, ne pas parler ou lire le digital va devenir (pour un temps) aussi préjudiciable qu’être analphabète. On le voit pointer partout. De nouvelles compétences techno-digitales teintes toutes les descriptions d’emploi. Il suffit de taper « Digital » sur l’application Linkedin pour voir le nombre de métiers comportant le mot digital.
Le risque de déclassement d’employés non digitalisés qui travaillent dans des organisations qui ne prennent pas le bon virage numérique sont grands et leurs craintes quant à l’avenir de leur entreprise et à leur employabilité sont fondées.
Et il y a deux types de talents : les talents digitaux et les talents digitalisés.
Si votre entreprise ne vous prépare pas au digital, elle a peu d’avenir !
Se former au digital, c’est déjà être digital !
Pour entreprendre la transformation digitale, les organisations ont deux choix : recruter des talents digitaux (Digital Natives) ou former leurs employés les plus intéressés par les projets digitaux. L’enjeu étant la rapidité d’exécution, il y a fort à parier que les organisation choisiront la première solution. Les Data Scientists ne courent pas les rues et on en trouve peu chez les professionnels et les cadres seniors. On se tourne donc vers le recrutement des plus jeunes.
Risqueriez-vous une carriére stagnante dans une organisation qui stagne ?
Pour se former au digital, il faut intégrer les concepts propres au digital : la preuve de concept, le travail en équipe projet, les projets agiles, les outils collaboratifs de communications, la centration sur le client, l’innovation ouverte, le financement participatif, les partenariats et collaborations, la transparence et les analyses de données, la mise en marché sur le web, la communication multicanale, la gestion de la croissance rapide, etc.
Ensuite, il faut se former aux bonnes technologies, aux outils les plus récents, aux processus d’implantation et de gestion de projets.
La question n’est pas la part de technologie dans votre emploi futur, mais la place que votre organisation aura prise dans la chaine de valeur et dans le marché mondial. Va t-elle capter les revenus ou simplement consommer et dépendre d’autres fournisseurs et rivaux digitaux ? Autrement dit, on peut être un acteur du digital mais être peu disruptif, peu stratégique et peu valorisable.
Certes, les hôpitaux, les chantiers de construction ou les cuisines d’un restaurant auront toujours besoin de bras, mais leur administration et les processus de gestion seront grandement digitalisés et certaines activités pourront être valorisées avec le digital (exploitation des données, visualisation et tableau de bord, services personnalisés avec consultation en ligne, etc.).
Le comble du digital, c’est d’être vite obsolète !
Curiosité et initiatives sont la clé.
Mais le domaine va si vite que dans 5 ans, les outils utilisés actuellement seront soient simplifiés, soit obsolètes, soient suplantés par un nouveau fournisseur plus simple, moins cher et plus flexible.
Le digital va tellement vite que le nombre d’innovations, de solutions et micro-solutions, de plateformes, de fonctionnalités, de fournisseurs et de partenaires est exponentiel. Pour suivre le rythme, il faut moins avoir des connaissances établies que la capacité à les mettre à jour.
Les ressources d’apprentissages se trouvent facilement et partout : dans les forums d’usagers, les groupes de discussion, les tutoriels d’experts et de fournisseurs et bien sûr sur Google ! Il est donc possible d’apprendre un nouveau langage informatique ou un outil de conception 3D ou un logiciel d’édition que d’apprendre un métier manuel.
Si vous avez la personnalité, le digital s’offre à vous !
Si vous être curieux, apprenant rapide, entreprenant, collaboratif et ouvert, il y a un emploi digital ou un emploi digitalisé qui vous attend. A ce sujet, lisez l’article sur les compétences clés pour être un leader du digital.
Le digital, c’est une mentalité. Le digital est une ouverture sur les possibilités offertes par de nouveaux services et en lien avec de nouveau besoins permis par les smartphones, les systèmes et les logiciels. Le digital c’est la vitesse. Un esprit d’innovation sur la chaîne de valeur.
Comme pour l’arrivée du web en 1993, le digital bouleverse à la fois rapidement et silencieusement les habitudes. Les impacts sont multiples et difficiles à mesurer. Mais une chose est sûr, nos compétences sont ou seront obsolètes plus rapidement.
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