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Les tests psychométriques améliorent-ils la qualité du recrutement ?

Régulièrement, les tests psychométriques sont remis en question. Inutiles, laborieux, peu valides, favorisant l’uniformité des profils, trop conceptuels, froids, difficiles d’interprétation, reposant sur le jugement de celui qui les interprète, etc. On remet aussi en question le fait que la personnalité puisse être un critère de recrutement. Mieux, on se questionne sur l’utilité d’évaluer les talents dans un contexte de rareté.

Dans ce cas, sur quoi repose la fameuse « chimie » que chacun cherche ? Comment expliquer que François n’a pas le même impact que Ségolène ou Nicolas ? Tous différents. Si les tests psychométriques peuvent améliorer la qualité d’un recrutement, il convient de prendre quelques dispositions. Je vous propose douze dispositions qui me sont inspirées de mes 20 ans de pratiques en évaluation des talents.

Note préalable : Les tests psychométriques recouvrent plusieurs familles : les tests comportementaux ou tests de personnalité, les tests d’aptitudes, les tests de raisonnement, les questionnaires de valeurs, de motivation ou d’intérêts et les questionnaires de jugement situationnels. Ils ont la particularité de mesurer avec une certaine précision des dimensions clairement définies par l’éditeur, en lien avec des concepts scientifiques. Puis ils comparent statistiquement les résultats à une norme et à une population de référence. Ils sont une composante essentielle d’un recrutement scientifique et systémique.

1- Augmenter la qualité prédictive

a. Commencer par avoir le bon processus de recrutement

Tout d’abord, un bon processus de recrutement est une formule éprouvée qui donne la chance aux deux parties de se choisir mutuellement. Dans cette formule, le recruteur doit penser à plusieurs facteurs qui maximisent l’adéquation. Avec un excellent rapport coûts/temps, les tests psychométriques enrichissent l’analyse des 4 niveaux d’adéquation :

  1. Profil du candidat / Profil du poste (Job Fit)

  2. Profil du candidat / Équipe (Team Fit)

  3. Profil du candidat / Culture de l’entreprise (Culture Fit)

  4. Profil du candidat / Environnement de l’organisation (Environnement Fit)

Au travers des différentes étapes de recrutement, le recruteur et le candidat doivent découvrir et partager les clés de la décision :

  1. Expérience (CV, compétences) en lien avec les activités de l’emploi,

  2. Aptitudes intellectuelles et fonctionnelles en lien avec les objectifs de l’emploi,

  3. Stade de carrière (histoire personnelle et professionnelle) en lien avec les responsabilités, le rôle et le statut,

  4. Motivations, intérêts, valeurs en lien avec le contexte et les activités de l’emploi et de l’organisation,

  5. Conditions de travail (localisation, déplacement, contraintes pour exercer l’emploi, nature de l’engagement),

  6. Personnalité et attitudes en lien avec la culture, l’équipe et l’emploi,

  7. Attentes salariales, modalités de reconnaissance monétaire et avantage sociaux.

Le recrutement de qualité doit s’appuyer sur une série d’activités d’évaluation : CV ou profil LinkedIn, entrevues individuelles et en équipe, visite d’entreprise, prise de référence et validation des titres et diplômes, tests psychométriques. Et éventuellement, pour certains processus plus complets : simulation professionnelle comportementale, étude de cas, immersion et essai professionnel.

b. Continuer en recrutant le bon recruteur

Avant de remettre en question les outils psychométriques, les capacités du recruteur sont à réunir. Il ou elle doit être en mesure d’intégrer de nombreux paramètres. Ses qualités d’écoute, d’observation, de sens psychologique, de curiosité et de jugement sont primordiales.

S’il n’a pas tout cela, formez votre recruteur !

c. Compléter avec des outils psychométriques fiables

Fiables, les tests ne le sont pas tous ! Le marché des tests est vaste et hétéroclite.

Les qualités métriques doivent être vérifiées avec précaution (fiabilité, validité, qualité du contenu, facilité d’usage en ligne, étalonnages et normes de comparaison). La facilité de lecture des résultats pour des personnes non formées à la psychométrie n’est pas un critère d’usage suffisant.

Les outils proposés par des éditeurs présentant une rigueur de conception sont donc à privilégier : Pearson Assessments, CEB-SHL, Hogan Assessment, ECPA, PerformanSe, Epsi Compmetrica. Pour vérifier la qualité d’un test, le site Buros propose des revues payantes des qualités métriques.

Les tests doivent faire l’objet d’une solide validations scientifiques. Les éditeurs mettent à disposition des acheteurs un livre technique présentant les recherches et les qualités métriques des tests. Sans transparence et sans rigueur scientifique, le test ne devrait pas être acheté.

Aucun des meilleurs outils psychométriques ne mesure tous les aspects d’un processus de recrutement. C’est la combinaison d’outils spécifiques, en lien avec vos profils de compétences qui déterminent la qualité de la mesure et la pertinence de la recommandation. Seul l’essai professionnel et l’immersion peuvent fournir une mesure complète de la performance et de l’adéquation. Comme le souligne létude de Schmidt & Hunter (1998), la validité des tests psychométrique est moyenne, comme l’entrevue si elle n’est pas structurée. Cette étude demeure la référence en termes scientifiques sur la question de la validité prédictive des tests.

En contexte de pré-sélection pour des recrutements de masse, les tests psychométriques sont particulièrement utiles pour filtrer rapidement et à peu de frais les candidatures. En revanche, le choix et l’utilisation des tests sur un plan éthique, déontologique et juridique doivent être entrepris avec une grande rigueur. Avant d’implanter l’outil, quelques validations des effets sélectifs sur les candidatures disqualifiées et les candidats retenus devraient être faites en impliquant les partenaires sociaux pour éviter des conflits et une mauvaise compréhension.

Aucun test ne peut prédire à 100% une corrélation avec la performance en emploi. D’une part, la performance en emploi est une résultante complexe, multifactorielle et appréciée de multiples façons. D’autre part, il existe des styles et des préférences qui mènent à une performance proche. Vendre au-delà des objectifs ne veut pas toujours dire bien vendre. Bien vendre peut emprunter plusieurs styles de personnalités. En revanche, on reconnait un excellent vendeur de celui qui ne le sera pas.

2- Réduire les biais de perception et de connaissance de soi

a. Réduire la part d’ombre du candidat et de l’organisation

D’un côté, il faut découvrir ce que le candidat prétend en contexte de recrutement et ce qu’il ignore de lui-même (faible connaissance de soi, faible introspection). Les tests dévoilent le candidat en le comparant à une norme. Et la plupart des bons tests ont des échelles pour évaluer la tendances à acquiescement et à la présentation positive de soi pour éviter la volonté de biaiser les résultats.

De l’autre côté, c’est la même chose pour l’organisation : il y a ce qu’elle veut montrer et ce qui est la réalité qu’elle ignore. Plus le recruteur connaît l’entreprise et les profils recherchés, mieux il peut donner au candidat de l’information pertinente pour « cliquer » ou se séparer.

En interprétant des tests psychométriques, l’évaluateur comme le candidat découvrent les mécanismes pouvant expliquer certains styles relationnels et certaines préférences pour certaines activités. Un candidat qui se dit perfectionniste peut cacher une rigueur excessive, un besoin de contrôle, une rigidité, une forte orientation vers les résultats ou une anxiété. Pourtant, le mot perfectionniste peut sonner comme une qualité recherchée. Les tests peuvent répondre à ces questions.

b. Limiter l’angle mort du recruteur

Les recruteurs et les gestionnaires recruteurs doivent aussi se former à déjouer leur biais de perception et leur biais de jugement. Les tests psychométriques donne une autre lecture et évite la pensée commune. En mesurant le potentiel, il est possible de prendre d’autres décisions sur des candidats possédant des qualités personnelles attendues et moins de compétences techniques.

c. Intégrer les tests comme un élément d’expérience pour le candidat

Non seulement les tests psychométriques se passent maintenant presque tous en ligne, mais ils deviennent aussi plus ludiques et offrent des rapports utiles à lire par le candidat. En expliquant la place des tests dans votre processus de recrutement, en enlevant les frictions pour passer les tests en ligne et en proposant une rétroaction sur les résultats, les organisations qui entreprennent ses initiatives développement une meilleure confiance avec le candidat. De plus, elles se démarquent des autres en arrimant la mesure du talent, avec l’engagement, l’intégration et le développement des talents.

Les centres d’évaluation ou Assessment Center, encore trop rares, sont des exemples parfaits de processus d’évaluation intégré, immersif et offrant une expérience unique. Plus fiable qu’un seul test psychométrique, ils combinent différentes activités d’évaluation sur une seule journée.

3- Améliorer la prise de décision basée sur la mesure

a. Miser sur la qualité de la mesure

Pour obtenir de bonnes décisions de recrutement, il faut réunir plusieurs conditions : bien analyser l’emploi et le contexte, bien identifier les qualités et les compétences requises, faire une mesure rigoureuse avec des outils pertinentes et fiables, bien interpréter des indicateurs psychométriques en lien avec l’individu et le milieu, avoir des règles claires de décision en comité de recrutement.

b. Prôner l’équité

Les tests offrent, rigoureusement utilisés, fondent un principe d’équité. Tous le monde est évalué sur une base commune. Cela laisse la place aux plus talentueux et aux personnes présentant un potentiel pour une moindre expérience. La clé est de bien choisir le test en lien avec les compétences à mesurer pour le poste.

c. Décoder la dynamique des personnalités

Après avoir recueilli plusieurs dizaines de données d’évaluations psychométriques, il est souhaitable de compiler les informations et de déterminer quels comportements et quelles attitudes sont attendues spécifiquement en lien avec votre environnement (clients, partenaires), avec votre culture, avec l’équipe et avec l’emploi. Cet exercice rétrospectif permet à chaque organisation d’avoir des balises, des indicateurs ou des barèmes pour mieux cibler les candidats et anticiper leur intégration et progression dans l’entreprise.

4- Répondre aux nouveaux besoins des organisations

a. Identifier les attitudes plus que les aptitudes

Sous la pression des résultats, on cherche surtout la performance. Va t-il rapidement vendre ? Produira t-elle des états financiers parfait dans les délais demandés ? Est-il aussi vraiment créatif pour nos campagnes publicitaires ?

Mais dans un contexte de rareté de main d’œuvre, on s’assure d’avoir autant les attitudes que les aptitudes. Les centres d’évaluation ou Assessment Center se prêtent parfaitement à l’exercice pour découvrir le potentiel.


Attitude vs Aptitude(1)

b. Se préparer aux mutations du travail

Les environnements turbulents ou VUCA World, sont la nouvelle réalité des organisations, des emplois et du quotidien des employés. De nouvelles qualités intellectuelles, personnelles et relationnelles sont recherchées. Les tests permettent d’identifier des traits de personnalité et des aptitudes intellectuelles pour former de nouvelles équipes et diversifier vos équipes en place.

Les transformations numériques accélèrent les changements de critères de performance. Il convient donc d’ajuster la recherche de certains profils pour ajouter à vos équipes des personnes disposant de nouvelles qualités recherchées.

c. Alimenter votre plan Big Data RH

Le Big Data RH peut démarrer avec de petits projets de mesure. Ce plan Data RH présente à la direction des indicateurs décisionnels aux différentes étapes du processus de recrutement et d’évaluation de la performance. Il est nécessaire de se mesurer. Ce type de projet sera de plus en plus fréquents car ils donnent des balises sur les qualités, les traits, les critères qui peuvent être corrélés avec la performance, la culture et d’autres indicateurs internes.

Comme Google avec son PiLab (People Laboratoire), les RH deviennent plus humaines mais aussi basées sur des sciences et des données. Pour identifier les meilleurs profils et les meilleurs candidats collaboratifs et innovateurs, Google a fondé une recherche statistiques des meilleures pratiques de gestion, des comportements et des résultats de performance. Ceci montre que la recherche entre personnalité et données de performance est toujours en évolution. Les outils statistiques et sémantiques récents pourront sûrement amener de nouvelles évidences au chapitre de l’utilité des tests.

Alors ?

Le recrutement peut-il prendre une décision en se basant sur les résultats aux tests personnalité ou de raisonnement logique d’un candidat ? La réponse est oui, à condition de rencontrer certains critères méthodologiques.

En février 2014, un article de Challenges rappelait que la personnalité prédit peu voire par du tout la performance et le maintient en emploi. La chaire Nouvelles Carrière de Noema Business School propose une autre approche aux traditionnels tests de personnalité. Dans leur brochure,  l’approche par schémas cognitifs est présentée brièvement. Les auteurs avancent que la prédiction serait meilleure que les tests seuls. On regrette que la méthodologie et les données d’études statistiques ne soient pas aussi poussées que certains livres techniques de tests de personnalité !

Critiquer les tests psychométriques indépendamment d’un processus global de recrutement c’est comme critiquer plusieurs autres phases du recrutement : tri de CV, entrevue téléphonique, prise de références, entrevue en personne. Chacune de ces étapes ne peut cerner à elle toute seule l’équation du recrutement et avoir une haute valeur prédictive.

Qu’est-ce qui distingue Barack Obama de Vladimir Poutin ? Le premier démontre d’excellentes qualité de communicateur et de rassembleur. Le second, d’excellentes qualités slaves de détermination et de combativité. Lequel recruteriez-vous pour chaque pays ? Lequel aura les meilleurs résultats électoraux, économiques et sociaux en fin de mandat ?

Ce qui est en question selon moi ce ne sont pas certains tests mais c’est la mesure qualitative et quantitative de la performance en lien avec une lecture globale d’une adéquation. Dans cette lecture globale, les tests psychométriques apportent une information riche mais ne sont qu’une partie de l’équation. Quant à la performance, elle peut s’établir à différents niveaux : économique, organisationnel, relationnel et social.

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