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Pénurie de talents ! Vraiment ?

La pénurie de talents est devenue un sujet économique préoccupant. Avec un taux de chômage au Québec de 4.9%, le plein emploi commence à limiter les revenus des entreprises. Il plafonne les remises de taxes à l’État. C’est 21000 emplois non pourvus au premier semestre 2019 au Québec. Dans certaines régions, le taux peut descendre à moins de 3 %. Imaginez la France avec un taux de chômage à 4% ! L’agriculture, le commerce et les industries manquent de cueilleurs, de chauffeurs, de tourneurs-fraiseurs. Presque toutes les entreprises cherchent des vendeurs et des analystes programmeurs. C’est indéniable.

Mais sommes-nous tout à fait sûr que la pénurie signifie une insuffisance de personnes actives pour répondre à la demande ? Ladite pénurie devrait être nommée correctement « pénurie de main d’œuvre qualifiée ». Quand on ne veut que du « Prêt-à-l’Emploi« , forcément, on ne trouve plus rien sur l’étalage !

Le marché de l’emploi n’a jamais été un marché parfait et il ne le sera jamais. Pour autant, la pénurie cache bien des incohérences dans ses mécanismes de régulation. Et si les RH et les entreprises étaient à un point tournant dans leur conception du talent ?

La pénurie de main d’oeuvre est un malentendu.

1- Peut-on raisonnablement dire que toutes les travailleuses et tous les travailleurs occupent un emploi qui leur offre un salaire satisfaisant ?

Certes la population active au Québec culmine à son pic de 4,3 millions travailleurs fin 2018 . Le plein emploi masque un niveau de vie stagnant. La faute sûrement aux changements d’emploi subits ou volontaires et aux multiples mutations économiques et technologiques. Ces changements sont plus fréquents que pour les générations précédentes. La faute aussi au mode de vie moderne qui impose des frais additionnels et plusieurs changements de vie. Globalement, les salaires ont commencé a augmenté. Mais au quotidien, l’homo-œconomicus ne voit pas de véritable progression de revenus s’il n’occupe pas déjà un emploi très recherché. Demandez à vos proches combien de fois ils ont été sollicités par un employeur dans les 12 derniers mois.

2- Peut-on dire que tous les bassins de main d’œuvre sont actuellement sollicités par les employeurs pour occuper des emplois de qualité ?

Les jeunes sans qualification, les mères-célibataires sans diplôme ou les travailleurs de 55 ans restent tenus à l’écart de l’hyperspécialisation du marché du travail. D’emploi à temps partiel à contrats courts, ils vivent une mobilité sociale descendante ou un déclassement social. Ils occupent un emploi égal voire moins élevé que leurs parents. Quelles entreprises se donnent pour mission de promouvoir des travailleurs éloignés de l’emploi ? Lesquelles l’ajouteront à côté d’autres causes qu’elles défendent comme le développement durable ou la lutte contre le cancer ? Digitalisés, automatisables et robotisables, les emplois font la course à la spécification. Demain, les travailleurs actifs ajouteront à leurs critères de choix d’un employeur le critère de responsabilité sociale visant à rehausser délibérément leur employabilité.

3- Peut-on avancer que chacun a un emploi et des perspectives de carrières qui exploitent son plein potentiel ?

Selon les études les plus récentes, entre 50 à 60% des travailleurs songent à changer d’emploi dans l’année en cours et se disent ouverts à des propositions. S’ils cherchent c’est qu’ils n’obtiennent pas ce qu’ils veulent. La pénurie ressentie par chaque entreprise est l’indice de son attractivité comme employeur et de sa capacité à fidéliser ses employés. Pourtant, les leviers d’attraction que les talents recherchent sont très largement connus et documentés scientifiquement: une solide culture organisationnelle; les comportements de leaders misant sur les personnes et leur développement; des programmes accélérés, continus et variés de formation et de qualification.

La pénurie vous met au défi de lire le talent.

Même si les CV par annonce se font très rares, l’offre de développement de la main d’œuvre reste marginal. Développer les compétences et les talents est pourtant très valorisé par les candidats. C’est attractif, durable, inclusif et socialement responsable.

Habituées à faire l’ACQUISITION de talents, les organisations sont habituées depuis le chômage de masse des années 1980 à 2010 à choisir parmi un grand nombre de candidats parfois sur qualifiés. Les employeurs continuent d’agir quasi exclusivement comme des ACQUÉREURS (approche du chasseur-cueilleur) et non comme des développeurs (approche du cultivateur).

Si les employeurs veulent continuer d’agir uniquement comme des acquéreurs de talents « Plug and Play« , « Alpha Candidate » ou « Top Talent« , ils devront en payer le prix. Pour les autres, une infinité d’opportunités s’ouvre à vous ! Let’s go.

1- Les employeurs desserrent et revoient leurs critères de recrutement.

Elles doivent s’ouvrir au potentiel des candidats et non à leur conformité par rapport à un poste (souvent mal définit et évolutif). Il est effectivement plus facile de faire des recherches par mots clés stéréotypés dans un contexte d’abondance de profils stockés en ligne que de décoder le potentiel et la personne. Pourtant, les candidats n’attendent que cela. Ils souhaitent qu’on les déniche, qu’on leur fasse confiance. Leur donner une chance dans ce monde d’hyper-vitesse serait très apprécié. Enfin, ils veulent vivre des expériences professionnelles apprenantes. Les employeurs gagneraient donc à s’ouvrir à des profils prêts à apprendre. Ils redoreraient leur image à les accompagner davantage dans leur autonomie professionnelle. Demain, l’essentiel des recrutements aux nouveaux métiers ne se fera plus sur ce que l’on a déjà appris. Ils se feront sur ce que l’on sera capable d’apprendre.

Selon l’étude du World Economic Forum, la durée de vie des compétences acquises en 1984 était en moyenne de 30 ans. Elles sont aujourd’hui de 5 ans ! En pleine mutation économique, qui assurent la préparation de la main d’œuvre à ses nouvelles compétences ? Certainement pas les institutions d’enseignement qui tardent à prendre le pouls du marché.

2- Les employeurs se transforment en qualifiant et requalifiant leur main d’œuvre. 

La robotisation, l’automatisation et l’intelligence artificielle nous ouvrent des possibilités inédites de gain de productivité. Elles bouleversent les compétences requises. Amazon, le géant incontesté de l’usage des technologies a annoncé un plan de 700 millions de $ de formation pour 100000 de ses employés aux États-Unis. Même s’il veut redorer son image d’employeur, Jeff Besos, son CEO, a besoin de pilotes de robots cueilleurs de commandes, de logisticiens et de mécaniciens de convoyeurs.

Au Canada, on voit fleurir des offres de formation et de permis financés par les employeurs. Ce n’est pas nouveau, mais c’est une tendance en hausse.

3- Les secteurs d’activités peu attrayants n’ont pas fini leur révolution.

L’amélioration des conditions de travail et la diffusion d’une nouvelle image restent à l’initiative des plus audacieux. Un grand chantier s’annonce avec l’ouverture des portes des entreprises et l’éveil des vocations chez les jeunes et les personnes en reconversion.

4- Les secteurs les plus pénuriques font fleurir des micro-certifications et des programmes courts. 

Pour former des jeunes et des personnes en reconversion sur les compétences infonuagique, cybersécurité, architecture, programmation ou science des données. Le programme Acclaim en est un bon exemple de badges digitaux pour reconnaître des compétences liées à des micro-programmes ou attestations.

5- L’immigration économique, une tactique parmi d’autres.

L’immigration choisie permet évidemment de combler une certaine part du déficit démographique (départs en retraite). Trop souvent présentée comme une panacée, l’immigration économique demeure coûteuse, ardue et sujette à des revirements politiques. Elle reste un complément ciblé parmi ses sources de recrutement. Elle ne devrait pas cacher un sous-investissement chronique dans la formation initiale et professionnelle et l’accueil des immigrants. Combien même l’entreprise veut attirer des immigrants, elle doit aussi s’assurer qu’elle développe le travailleur immigrant économique désireux lui aussi d’améliorer son employabilité en continu et sa condition sociale.

6- La planification stratégique des emplois et des compétences reste à développer. 

Elle doit se traduire en de nouveaux programmes d’information et de découverte des métiers. Des collaborations plus étroites au sein des branches sectorielles et des institutions de formation doivent s’activer. La vitesse des transformations économiques et technologiques impose une vélocité à l’enseignement professionnel. Les employeurs qui peuvent prédire leurs besoins en personnel salariés temps plein et les « Contingent Workers » sur plus d’un an sont encore trop rares. Et la prévision en compétences pour le futur reste encore plus flou. Ainsi, si le talent est un pilier clé d’une stratégie de croissance et de compétitivité, il devrait être planifié aussi bien que les ressources financières, technologiques et immobilières. La réalité est que les organisations, quand elles dépassent 500 employés ne connaissent que très mal leurs talents.

Emplois Objectif Avenir_Banque RBC_FutursTalents_2019

Emplois Objectif Avenir_Banque RBC_FutursTalents_2019


Le futur appartient bien plus aux développeurs de talents qu’aux recruteurs actuels.

Les entreprises n’en sont qu’à leur balbutiement dans la mise en place de programmes de développement des qualifications et des compétences. Former un tourneur fraiseur peut prendre 1 an avec un programme scolaire classique. En moins de trois mois, avec une pédagogie active, la même personne peut devenir opérationnelle sans avoir à aller jusqu’à la programmation de la machine. Par la suite, il est possible et stimulant de proposer un parcours de micro-certificats conduisant à un diplôme. Le défi est d’amener des jeunes, des peu qualifiés, des personnes en reconversion vers les nouvelles compétences et les métiers en transformation.

En criant « Pénurie », les entreprises doivent aussi tirer davantage profit de solides programmes de développement: polyvalence et rotation aux postes de travail, diversité et inclusion, aide à la mobilité géographique, services de mobilité d’emploi ou alternance travail-études-congés.

Et vos candidats potentiels attendent des réponses nouvelles.

Certains employeurs commencent à offrir des bourses de fin d’études. D’autres rachètent la dette étudiante (Tuition Fees Program). Finalement, d’autres proposent de quitter l’entreprise dans le but d’apprendre et d’y revenir plus tard pour un nouveau poste. Le développement ne se fait pas en vase clos. Et la loyauté n’est plus seulement liée à un seul contrat de travail.

C’est à ce prix que les organisations redeviendront des écoles pour développer les hommes et les femmes qu’elles ont besoin dès aujourd’hui.

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