Le travail change mais pas les questions d’entrevue. Cherchez l’erreur !
Et pourtant, voici 7 raisons que tout recruteur devrait considérer pour ajouter des questions sur la disposition à se développer dans ses entrevues de recrutement.
Le recrutement ne devrait plus se baser uniquement sur les compétences acquises. Il devrait se fonder sur la capacité à en acquérir de nouvelles.
Les habiletés cognitives de traitement de l’information (lecture de la globalité et de la complexité, sens critique, synthèse et intégration, résolution de problèmes, qualité du jugement, apprendre en continu, réfléchir des solutions créatives) sont des fonctions essentielles pour naviguer et décider dans le monde turbulent de l’information.
Selon IBM, 90% de toutes les données disponibles aujourd’hui n’existaient pas il y a 2 ans. Il y a donc beaucoup de choses à apprendre que l’on n’exploite pas encore.
Les métiers qui recruteront le plus demain n’existent pas encore. Ils s’apprennent souvent sur le tas. Les formations académiques apparaissent plus tard pour structurer les connaissances.
Selon le rapport Roland Berger Octobre 2014, le digital va bouleverser les emplois d’ici 2025 et détruire les emplois facilement automatisables et à faible valeur ajoutée. Ceci conforte une fois de plus ma théorie selon laquelle la guerre des talents n’aura pas lieu (en Europe tout du moins). Mais surtout, cela démontre que les emplois et les métiers se recomposent sans cesse. Apprendre est donc la clé pour muter avec les transformations numériques, sociales et économiques qui interagissent.
La marque employeur doit offrir des avantages parmi lesquels les perspectives de carrières et les conditions d’apprentissage touchent une clientèle assoiffée de possibilités. L’encadrement doit se montrer facilitateur du développement des employés.
Les entrevues de recrutement évaluent le passé et consacrent une grande partie de leur temps à valider des informations déjà décrites dans le CV et sur les médias sociaux. Souvent convenues, les entrevues sont une transaction informatives.
Apprendre en continu pour demeurer agile
Dans ces conditions, le recrutement devrait toujours évaluer la disposition d’un candidat à apprendre. Les tests d’habiletés cognitives (raisonnement logique abstrait, raisonnement mathématique, raisonnement verbal) mesure une capacité mais ne disent rien du besoin d’apprendre.
L’entrevue devrait toujours avoir une séquence portant sur la disposition des candidats à se développer. En d’autres mots, comment le candidat se montre ouvert ou actif pour apprendre en continu dans un environnement changeant. Sans cela, vous allez peut-être embaucher un performance ou un haut potentiel mais pas forcément le candidat le plus motivé pour apprendre aujourd’hui et demain.
Learning Agility Fail
La capacité à se développer est basée:
sur l’intérêt continu et soutenu d’apprendre,
sur la connaissance de soi (exploiter ses forces et besoin de s’améliorer)
sur l’ouverture à l’apprentissage et le goût pour des activités d’apprentissage.
Certaines personnes sont naturellement portées à recherche ou accepter de relever des défis, se lancer sur nouveau projet, lisent et s’informent, se documentent, ajoutent des connaissances et des compétences à leur parcours et à leur vie.
Pour Bersin by Deloitte, il faut ajouter la notion de vitesse à l’apprentissage pour le rendre agile : apprendre vite, trouver les moyens rapides pour apprendre. Avec les technologies et l’Internet, les connaissances circulent plus vite encore. Le monde de la formation est immense et l’accès à l’information et à l’éducation est chaque fois plus ouvert et varié. Aux formations ouvertes en ligne (MOOC), s’ajoutent l’émergence rapide du m-learning, des applications mobiles, des chaînes d’apprentissages vidéo sur YouTube et Viméo. Le micro-learning explose.
Pour ma part, j’ajouterai aussi la dimension du partage et de la circulation des connaissances et des apprentissages à la disposition au développement ou au concept de « Learning agility » développé par KornFerry. Le travail devient plus complexe et les synergies collaboratives impliquent des apprentissages en groupes. Pour ce faire, les apprenants deviennent aussi des créateurs de contenus et des facilitateurs d’apprentissages.
2 ou 3 questions suffisent en entrevue de recrutement
La disposition à apprendre combine donc plusieurs facettes. A vous de choisir parmi les questions proposées :
1- Questions sur le besoin d’apprendre
Sans désir d’apprendre, pas d’intention, pas d’action. On dit que pour beaucoup de professionnel, l’apprentissage est une source d’épanouissement et d’attraction chez un employeur.
Comment vous tenez-vous à jour dans votre emploi actuel ? Donnez-moi un exemple d’une activité récente. Qui a initié cette activité ?
Qu’avez-vous appris sur le plan technique ou comportemental dans les dernier mois ?
Quelle technique, quelle connaissance ou quel outil avez-vous cherché à apprendre dans les derniers mois ?
Quel livre ou quel contenu professionnel avez-vous consulté dans les derniers mois qui vous a aidé à progresser dans votre métier ?
Quels sont les tâches ou défis que vous avez sollicité ou accepté juste parce que vous aviez envie d’essayer ?
Racontez-moi dans quel challenge nouveau vous-vous êtes engagé ? Qu’avez-vous eu à apprendre ?
Dans quels contextes avez-vous ressenti que vous n’appreniez plus rien ? Qu’avez-vous fait ?
Si vous deviez revenir aux études, dans quel programme vous inscririez-vous ?
2- Questions sur la connaissance de soi et de l’environnement
Savoir ce que l’on devrait apprendre ou la conscience de soi est une composante essentielle de la gestion de soi dans un environnement de développement.
Un faible « Self-awareness » crée des « Blind Spot » ou des aires aveugles qui sont préjudiciables au développement continu des employés. Dans une étude étonnante de 2013, Zes & Landis ont comparé les résultats d’auto-évaluation de 6,977 professionnels avec les résultats d’évaluations par leurs pairs parmi 486 entreprises cotées à la bourse avec bilans comptables rendus publiques. Ils ont montré que les entreprises ayant les meilleures performance financières étaient celles qui employaient le plus de professionnels avec une bonne connaissance de soi (plus faible écarts entre l’auto-évaluation et l’évaluation par les pairs).
Pour se développer, tout organisme vivant a besoin de recevoir de la rétroaction ou « feed-back » pour s’ajuster. C’est un principe essentiel de la vie. Comme le soulignait Peter Drucker dans son célèbre article « Managing oneself », le « Self-Management » ou la gestion de soi devient une composante crucial de tout leader performant dont la disposition à se développer
Si on ne s’interroge pas sur ce que l’on doit apprendre et si on n’entend pas les messages du milieu sur la valeur d’un apprentissage, la disposition à se développer et apprendre est bancale.
Mêmes certains hauts performants ou certains haut-potentiels peuvent s’appuyer sur des acquis pour réaliser leur travail. Mais quand ils vont devoir changer de méthode, de technologie ou de comportements, ils peuvent ignorer voire réfuter le besoin d’apprendre. Vous payez cher un actif qui risque souffrir obsolescence.
Quand vous faites votre auto-évaluation, quels traits de personnalité percevez-vous comme des forces et d’autres comme des points à améliorer ou à neutraliser ?
Quels commentaires avez-vous reçu de vos patrons, collègues, fournisseurs ou clients qui vous a incité à en apprendre d’avantage (ou a changer vos comportements) ?
Qu’est-il ressortit de vos précédentes évaluations de rendement ou entrevues d’appréciations ?
Si vous aviez-vous l’aide d’un coach, d’un enseignant, d’un collègue ou ami très calé dans votre domaine, qu’aimeriez-vous apprendre de lui (technique et comportemental) qui vous serez utile pour avoir encore plus d’impact ?
Qu’est-ce qui a le plus changé dans votre personnalité depuis la fin de votre adolescence ?
Quel travail avez-vous fait sur vous-même pour devenir une meilleure personne ?
On ne sait jamais tout, même les plus grands scientifiques avouent leur ignorance devant l’étendue des connaissances. Pour vous, qu’est-ce qui est à parfaire dans votre métier sur le plan technique et sur le plan personnel ?
Selon ce que vous voyez dans votre milieu, qu’est-ce qui sera indispensable de maîtrise demain pour être toujours dans la course ?
Racontez-moi la dernière fois où on vous a fait un commentaire, une critique, une suggestion qui visaient vos comportements ? C’était à quel sujet et dans quel contexte ? Comment avez-vous réagit ? Qu’avez-vous fait de ces suggestions par la suite ?
Dans quelle situations avez-vous le plus appris sur vous même ? Quelles découvertes avez-vous fait qui me montrent que vous avez appris à bien vous connaître ?
On fait tous des erreurs. Qu’avez-vous appris dans une situation nouvelle et devant un échec ? Qu’avez-vous changé ?
3- Questions sur les stratégies effectives d’apprentissage
Savoir apprendre. Cette méta-compétence identifie les meilleurs apprenants qui savent comment gérer leur mode et temps d’apprentissage.
Il semble que nous ayons tous des modes préférentiels d’apprentissage (conceptuel, pratique et visuel, réflexif, social et collaboratif) comme le propose le modèle de Kolb par exemple. Les styles d’apprentissages selon moi importent peu dans la mesure où l’on donne aujourd’hui une multitudes de moyens d’apprendre.
Suite à un cours, une lecture ou un enseignement en milieu de travail, dites-moi qu’est-ce que vous avez-fait par la suite avec ce que vous avez appris ?
Si vous aviez le choix, que choisiriez-vous spontanément comme méthode pour apprendre un nouvel aspect de votre travail ? Lire et me documenter, avoir un mentor, participer directement à des nouveaux projets, discuter avec des spécialistes, observer les autres le faire, suivre un cours.
Aujourd’hui on peut apprendre tout et n’importe quoi sur l’Internet. Quelles sont les sources d’information et les contenus que vous consultez régulièrement et pourquoi ?
4- Questions sur le partage et la collaboration en apprentissage
Dans un projet et travail d’équipe, quelles notions et savoir-faire avez-vous partagé au groupe ?
Les équipes performantes sont des équipes qui apprennent devant des situations nouvelles et de leurs erreurs. Quel rôle avez-vous joué dans un contexte de nouveauté, de blocage et d’échec pour apprendre ensemble ?
Vous avez d’autres idées de questions ? N’hésitez pas à nous les partager dans le module commentaires ci-dessous.
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