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Recruté.e pour apprendre

Les employeurs peinent à trouver les profils pour un poste donné. Et les meilleurs candidats aspirent à des perspectives d’apprentissage et de carrière variées et rythmés. Ils recherchent aussi un travail dessiné presque sur mesure avec un haut niveau de collaboration. Que signifie alors un intitulé d’emploi ? À pas grand-chose. Bienvenue dans la renaissance post-moderne du monde du travail !

Les écosystèmes d’équipes et de contributeurs temporaires ont fait exploser nos paradigmes de recrutement, de formation professionnelle et de gestion de carrière. Les organisations continuent de faire des organigrammes rigides et des descriptions d’emploi taylorisée quand elles se disent agiles et innovantes. La contribution d’un collaborateur et les compétences qui lui sont demandées évoluent plus vite et bien au-delà d’une structure productiviste standardisée qui est dépassée.

Cet article de 1800 mots en 1m30


People Centric : trouver un nouvel équilibre

Plus technologique. Plus organique aussi. 

A mesure que lintelligence artificielle ou que la technologie blockchain automatisent et augmentent notre travail, l’intelligence collective gagner du terrain. Elle réinjecte de l’organique dans les organisations qui deviennent de plus en plus synthétiques. La formule gagnante serait la suivante: moins bureaucratiques, moins hiérarchiques, moins répétitives, plus humaines, plus intelligentes, plus innovantes.

Les disruptions technologiques frappent bien au-delà l’imaginaire collectif. Leurs ondes de choc chamboulent l’économie, nos emplois et nos compétences. Bien plus discrètement, les méthodes de travail opèrent des changements tout aussi profonds. L’organisation en équipe-projet, la prise en compte d’écosystèmes complexes, les multiples formats de collaboration (interne et externe), les hiérarchies plates et les équipes auto-gérées remettent en question les petites cases tayloriennes que l’on désigne emploi ou poste de travail. A cela, il faut ajouter l’explosion des travailleurs indépendants et de la Gig Economy. C’est ce qui me fait dire que l’entreprise performante est devenue un lieu unique d’assemblage de compétences.

Comment les leaders RH accompagnent-ils ces changements, la montée en compétences du digital et l’émergence de nouvelles formes d’organisation ?  Le Job Design, le Teaming et l’Action Learning sont quelques-unes des pratiques qui redessinent le travail pour le revaloriser et l’augmenter. Le transformer.

Job Design : composer son emploi

Des organisations agiles, des talents mobiles.  

Réengager et fidéliser les collaborateurs est devenu une priorité pour les décideurs qui peinent à répondre aux demandes de clients. Certains refusent même des contrats. Avant d’embaucher, assurons-nous de remobiliser et retenir les employés déjà formés. Pensez-y bien: Former coûte moins cher que recruter.

Le Job Design est une définition du rôle, des objectifs et de la valeur de contribution d’un collaborateur pour répondre à un objectif d’affaires d’une unité (département ou équipe). Le contenu et les contours peuvent être définis en fonction des membres d’une équipe projets et sont revisités sur une base régulière. Les membres de l’équipe et les managers s’appuient sur la performance, les feedbacks des clients et les conversations périodiques avec l’employé pour identifier ses forces et ses motivations. Quelques tests psychométriques peuvent aider à augmenter la connaissance de soi et faire ressortir le potentiel, les valeurs et les aptitudes différenciatrices.

L’approche Job Design ou du Job Sculpting n’est pas nouvelle (1999). Mais avec les taux de chômage au Canada, aux US ou dans certains pays Européens qui frôlent le plein emploi, tous les moyens sont bons pour conserver ses employés et sous-contractants. Et comme les mentalités et les attentes des talents changent, il est temps de leur offrir un emploi qui répond à leur profil. Plutôt que de chercher le profil qui correspond à un emploi dessiner par la structure (temporaire), pourquoi ne pas dessiner l’emploi en fonction du talent embauché ?

C’est le constat que partage Facebook dans une étude publiée dans Harvard Business Review, cosignée par Adam Grant. Les employés ne quitte pas un boss, il quitte un emploi qui ne les stimule pas. Et qui est responsable de designer l’emploi ? Le boss !

Laissons aux équipes et aux départements (et parfois entre les unités), le soin de déterminer leurs objectifs, tâches et besoin en développement. Cela renforce leur autonomie, le sentiment d’utiliser pleinement leurs compétences et cela les lie aux objectifs d’équipe et à la stratégie d’entreprise. Depuis des décennies, la théorie de la motivation rappelle qu’elle repose sur l’autonomie dans la prise de décision des individus (responsabilisation), l’exercice stimulant de leurs talents et le sentiment d’appartenance à une équipe. [Lire à ce sujet cet excellent résumé sur la théorie de l’autodétermination J. Forest et G. Mageau]. =

Alors que les activités de cocréation se multiplient (Design Thinking, Appreciative Inquiry, Techniques d’idéation, Collective Cognitive Mapping, etc.), il devient aussi important de faire participer ses collaborateurs aux consultations que de changer la nature même du travail. Les études de rétention le disent, on ne quitte pas vraiment un emploi pour son boss, contrairement à l’adage, on le quitte car on n’y apprend trop peu (surtout les moins de 35 ans) et ses activités ne sont pas stimulantes. C’est donc en laissant le plus possible les équipes et les individus définir ce qu’il faut faire pour atteindre la cible que l’on crée de l’engagement, de la motivation et de la performance. [Lire à ce sujet l’étude d’IBM 2016 sur les motifs de rétention des employés – Global insights into employees’ decisions to leave their jobs].

Le Job Design répond à ce besoin de rendre organique et fluide les tâches et les expériences de travail. Il augmente aussi la polyvalence et l’employabilité. Quand les machine auront automatisé les tâches répétitives, data & patern based et à faible valeur ajoutée, il faudra enrichir le travail. La pratique de Job Design engage l’employé qui peut mieux trouver sa voie et faire entendre sa voix dans un écosystéme rapidement évolutif.

Extreme Teaming: collaborer avec agilité

Constituer des équipes performantes est un nouveau sport de vitesse. 

40% de nos activités professionnelles sont désormais des projets. Il n’existe plus vraiment d’emploi au contenu stable et aux contours clairs. En 2012, McKinsey publié dans son étude sur l’économie du partage, que les outils de collaboration augmentent la performance des organisations de 20 à 25%. Et selon une étude publiée par Harvard Business Review – Collaboration Overload, les tâches de collaboration ont augmenté de 50% au cours des 20 derniéres années.

Comme le soulignent Amy Edmondson et Jean-François Harvey dans leur livre Extreme Teaming: Lessons in Complex, Cross-Sector Leadership, (2017) la collaboration devient agile. Elle s’appuie sur l’habileté à composer et à recomposer rapidement des équipes transdisciplinaires et transfonctionnelles. On partage les fichiers, les idées, les commentaires plus vite. Mais il faut aussi assembler les talents dans des équipes performantes dont on connait les forces (identification des talents) et les compétences (référentiel de compétences).

Amy C. Edmondson se passionne (et me captive) depuis des années pour expliquer la performance des équipes. Dans un monde V.U.C.A, la vitesse à composer des ‘Flash Teams‘ est une clé de l’agilité et de la flexibilité organisationnelle. Comme la démontré depuis 1999 Amy C. Edmondson, dans une méta-analyse restée déterminante, une équipe performante repose sur la sécurité psychologique des membres de l’équipe. L’étude Aristotle de Google en 2012 a d’ailleurs confirmé avec de nombreuses données à l’appui ces conclusions publiées 15 ans plus tôt. Le leader d’une équipe performante doit pouvoir créer l’ouverture, le respect, le feedback, l’écoute réciproque, la prise de risque et l’auto-régulation des conflits. C’est en se dévoilant sur les petites choses et en avouant certaines difficultés que les membres augmentent la résilience d’une équipe dans l’ambiguïté, la complexité et l’obligation de résultats.

C’est au coeur de ces équipes hautement collaboratives que se jouent l’innovation et l’exécution de projets périlleux et inédits. La recette du Teaming peut être difficile à reproduire mais elle est une grande source d’attraction, de développement et d’engagement pour les collaborateurs.

Action Learning: apprendre en travaillant

Devant la transformation digitale, nous sommes tous des apprenants !

Puisque la plupart des compétences de l’économie digitale sont en émergence, pourquoi ne pas recruter pour apprendre ? C’est devenu la principale activité de travailleurs du savoir dans l’économie de l’information et de l’attention.

La vitesse et l’agilité d’apprentissage sont les moteurs qui poussent le train de la transformation digitale et de la transformation des talents. Outre les contenus de formation formels qui doivent être disponibles en self-service, les organisations doivent repenser l’apprentissage continu sur le tas. Le travail est redevenu un lieu privilégié de nouveaux apprentissages (contrairement à l’apprentissage initial) et d’intégration des compétences digitales souvent acquises en dehors du travail. C’est aussi au travail que les changements turbinent le plus fréquemment.

L’Action Learning emprunte de multiples formes:

  1. Confier des projets (hors emploi régulier) à certains employés pour résoudre sur quelques mois de vraies questions d’affaires (analyses, recommandations, implantations, mesures, reconnaissance).

  2. Dégager du temps pour apprendre en continu, chaque semaine ou mois (Hard skills).

  3. Mettre en place du mentorat, du coaching interne et une culture de la collaboration intra et inter-équipe.

  4. Favoriser les retours d’expérience, le débriefing post-projet, le partage en équipe

  5. Impliquer les employés dans le partage, la cocréation, la formalisation de contenus et d’activités d’apprentissages par équipe, rôle, projet ou unité.

  6. Fixer des objectifs comportementaux dans le cadre d’un plan individuel de développement (Soft Skills).

  7. Favoriser les groupes de discussions, forums, blogs, wikis, initiatives collectives en lien avec les objectifs d’affaires.

C’est en apprenant avec les autres que le travail l’intelligence collective distance les formes synthétiques d’intelligence. Ces nouvelles façons d’apprendre ne coûtent presque rien et sont de puissants atouts pour attirer les talents.

Recruter autrement !

Un recrutement pensé par et pour les candidats internes et externes. 

Les employeurs peinent à trouver les profils pour un poste donné, les meilleurs candidats aspirent à une perspective d’apprentissage, de collaboration et à un travail sur mesure.

  1. Pour un recrutement vraiment différent, il faudrait redessiner les processus, les activités et les communications avec et pour les candidats.

  2. Le recrutement externe n’est possible qu’une fois que l’on s’est assuré que les talents et les ambitions ne sont pas disponibles en interne.

  3. Attirer les talents en offrant DES opportunités de carrière (pas un poste unique ou une trajectoire unique).

  4. Attirer les talents en démontrant à même la marque employeur que l’apprentissage est une constante et une expérience.

  5. Ne plus recruter seulement pour un poste donné.

  6. Recruter des profils apprenants dans la perspective de 3 ou 4 postes formant un parcours de carrière probable dans l’organisation. Cela correspond à 6 à 8 ans de carrière au sein de l’entreprise.

  7. Évaluer et sélectionner les candidats apprenants dont l’agilité d’apprentissage (concept de Learning Agility) est élevée (sait, veut et adaptabilité à apprendre en différents contextes).

  8. Soigner tout particulièrement le Preboarding et l’Onboarding.

  9. Recruter en équipe (références de candidatures, entrevue, décision, onboarding).

Cet article fait suite à l’entrevue que j’ai eu le plaisir de faire pour Manpower Group. Il contribue au débat du Forum Économique Mondial de Davos 2018. Le sujet de discussion cette année était celui des fractures technologiques, organisationnelles et sociétales. [Visionner les conférences de presse et les discussions du #WEF18]

Des commentaires ? Des questions ? Des observations ? N’hésitez pas à utiliser la section ci-dessous pour prolonger la discussion.

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