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9 savoir-faire empruntés aux psychologues pour améliorer vos entrevues

Le recruteur n’est pas un psy, mais il gagne à le devenir !

Lors de la 3éme non-conférence TRU Montréal, le 7 octobre 2014, j’ai eu le privilège de modérer le groupe de discussion portant sur les habiletés de psychologues des recruteurs.

Le titre choc de l’atelier est : Non, le recruteur n’est pas un psy.

Il est vrai que l’on ne peut jouer aux apprentis sorciers quand il a entre les mains des personnes qui comptent sur un emploi, une promotion, un avenir, un changement ou une reconnaissance. Pour rester objectifs et gagner en pertinence dans l’exercice subtil des entrevues, certaines connaissances, références et aptitudes sont nécessaires.

Pour prolonger notre discussion et répondre aux nombreuses interrogations soulevées dans l’atelier, je vous présente des savoir-faire typiquement « psy ».

#1- Contrat psychologique

En débutant une entrevue, il est toujours préférable d’établir avec son candidat une entente sur les objectifs, les attentes réciproques et la durée de la rencontre. Cela prend 3 à 10 minutes selon le processus et le candidat. C’est comme pour les réunions efficaces, il faut une structure et un but clair et partagé ! Pourtant, cette étape est souvent escamotée. Très opérationnels et pressés ou carrément trop informels, les recruteurs foncent sur les réponses.

  1. Présentez-vous comme intervieweur pour établir un équilibre dans la relation (parcours rapide, fonction).

  2. Expliquez votre rôle dans le processus, votre approche, votre style d’entrevue et le type de questions que vous vous apprêtez à poser.

  3. Clarifiez ce que vous cherchez à obtenir avec cette entrevue (valider un parcours, mieux connaître le candidat, évaluer son potentiel).

  4. Questionnez le candidat sur ses attentes et son objectif pour cette rencontre une fois vos objectifs présentés.

  5. Expliquez les étapes dans lequel s’inscrit cet échange.

  6. Présentez vos règles formelles de l’entrevue telle que « si vos réponses sont trop longues/courtes/imprécises, je vous le direz ».

  7. Présentez les garanties données au candidat (confidentialité, suivi) pour créer le climat de confiance propice à la collecte d’informations pertinentes.

  8. Le contrat psychologique est conclu par des questions de validation :

  9. Est-ce que cela vous convient ?

  10. Êtes-vous prêt à débuter ?

  11. Le contrat psychologique de l’entrevue ne prend fin qu’au terme de l’entrevue en validant que les objectifs sont atteints et les deux parties satisfaites du déroulement. En posant une question simple au candidat : « Avez-vous pu vous exprimer complétement ? », « Vous êtes-vous sentis vous-mêmes ? » Ceci à l’avantage d’enlever tous aléas que le candidat peut prétexter s’il est rejeté (entrevue tronquée, manque de sommeil la veille, etc.).

Les bénéfices psychologiques:

  1. S’introduire poliment pour instaurer un climat (essentiel dans tous rapports humaines pour s’apprivoiser),

  2. Donner l’occasion aux deux parties de s’ajuster en quelques minutes au lieu et au contexte,

  3. Guider le candidat dans l’entrevue de l’ouverture à la fermeture,

  4. Désamorcer dès le début des obstacles psychologiques à l’échange, désactiver des attentes irréalistes, des représentations faussées,

  5. Obtenir l’acquiescement au moins une fois permet d’obtenir plus d’information ou d’engagement psychologique,

  6. Évaluer comment l’autre s’ajuste à la réalité (but, format, temps) et aux autres,

  7. Bien gérer son temps,

  8. Créer un échange ouvert et une expérience « confortable » ou non menaçante.

#2- Questions ouvertes

Voici le plus grand mal de tous les temps en entrevue : les questions fermées ! Utilisez mal adroitement, elles ferment, biaisent et normalisent l’échange. Les questions ouvertes sont au contraire pleines de richesses. L’angle de la réponse et le récit sont plus importants que la question elle-même.

  1. Oubliez les questions fermées « Est-ce que vous avez déjà eu à convaincre votre patron de changer d’option ? » et les « Êtes-vous à l’aise devant un groupe pour faire une présentation ?« 

  2. Privilégiez les questions ouvertes « Comment vous êtes-vous pris la dernière fois que vous avez du gérer un employé moins performant?« 

  3. Il ne s’agit pas que de poser des questions en rafale selon une grille de 12 questions figées. Il faut aussi que l’entrevue soit ouverte si un sujet surgit dans la conversation. On peut ainsi laisser venir des faits inattendus, des données déterminantes

  4. Utilisez les questions d’approfondissement avant de partir sur une autre question trop rapidement. Approfondir permet de guider l’autre vers l’évocation du vécu, plus que dans des réponses formelles et superficielles. Dites par exemple « J’aimerai cela que vous m’expliquiez plus en détails ce que vous avez-fait pendant / ensuite…« .

#3- Questions comportementales

Il existe plusieurs formes d’entrevues : clinique, libre ou non dirigée, structurée ou semi-structurée, d’historique d’emploi, d’expérience, de motivation, de gestion de carriére, etc..

  1. Les entrevues semi-structurées ont démontrées leur pertinence en recrutement afin de cibler des points utiles à valider pour chaque poste. Avoir une grille d’entrevue permet de comparer les candidats sur la même base (plus défendable en cas de recours juridique d’un candidat mécontent).

  2. Les entrevues comportementales, basée sur l’évocation d’une action (marquante ou récente) dans un contexte donné permet d’évaluer les comportements des candidats en faisant des analogies avec des contextes identiques.

  3. Dites « Parlez-moi d’une situation où vous avez eu à gérer beaucoup de choses en même temps. Quel était le contexte précis ? Qu’avez-vous fait ? » « Racontez-moi une situation où vous avez dû répondre à une urgence inédite. Quelle était-elle ?« 

  4. Identifiez les situations critiques pour occuper l’emploi et transformez les en questions comportementales. Il faut 6 à 10 questions pour 1 heure d’entrevue (avec questions de relance).

  5. Largement répandues en Amérique du Nord, ces deux types d’entrevues sont efficaces mais insuffisantes pour avoir une approche complète de la personne. Les comportements sont certes les produits visibles d’un individu mais les mêmes comportements ne sont pas régis par les mêmes motivations, par les mêmes connaissances et par les mêmes traits de personnalité. Le style et la couleur de la personne donne un degré de finesse supplémentaire. Et puis une personne ne peut se réduire à ses seuls actes au travail.

#4- Écoute active

Pour une entrevue riche et centrée sur la personne plus que sur le canevas d’entrevue du recruteur, il faut capter le verbal, le non verbal (70 à 90% de la communication), saisir les non-dits et accompagner le candidat vers plus de profondeur dans l’évocation de son expérience, de sa personne et de son interaction avec le monde. C’est en allant plus en profondeur que l’on dépasse le registre bien connu de candidats préparés avec des réponses toutes faites à des questions attendues.

  1. Adoptez une postulat d’ouverture : dédiez-vous à l’écoute totale, montrez votre intérêt pour écouter, ne coupez pas la parole et demeurez ouvert à toutes les réponses. Elles sont des trésors à exploiter et à interpréter (expérience, cadre de l’expérience, raison, émotion, mots choisis, angles).

  2. Dans l’écoute active, il y a les reflets et la reformulation. Ces outils sont puissants pour construire avec le candidat un profil de personnalité, de compétences, de motivations et de valeurs.

  3. Plus délicats à manier, ce savoir-faire nécessite une écoute attentive, un ressenti et de l’empathie. La reformulation n’ajoute rien. Elle ne fait que reprendre ce qui est présent mais sous d’autres termes. Bien utilisé, il peut faire progresser l’entrevue en ajoutant de l’information plus qu’en cherchant à tirer des informations. Dites « Je note chez vous un grand intérêt pour… Qu’est-ce que cela vous dit ? Comment l’expliquez-vous ?« 

#5- Descriptif de compétences et de personnalité

Pour faire des entrevues efficaces d’évaluation, il est nécessaire de se doter de cadres conceptuels puissants et établis scientifiquement.

  1. Utilisez un référentiel de compétences pour bâtir des profils de compétences et saisir les 6 à 12 points essentiels des compétences et talents que doivent présenter les meilleurs candidats. Sans cela, « avoir du courage » ou « être un leader » restent des termes très vagues, des concepts variables et hautement subjectifs.

  2. Maîtrisez les traits de la personnalité. La théorie la plus connue et la plus utile dans le recrutement est celle des « Big Five » ou des 5 dimensions fondamentales retrouvées dans toutes les analyses des personnalités normales. J’en fait une description rapide dans cet article. La connaître c’est avoir une idée précise des pôles de dualité des qualités de vos candidats.

  3. Utilisez des inventaires de personnalités robustes et fiables. Ils donnent aux recruteurs des informations précieuses pour aborder la personnalité dans son ensemble, à condition de ne pas tomber dans les décisions radicales ou les stéréotypes du genre « Les introvertis ne font pas de bons vendeurs, ni de bons managers« .

#6- Motivation intrinsèque / extrinsèque

Il ne devrait pas il y avoir d’entrevue de recrutement sans une analyse fine des motivations de la personne. Cela ne prédit pas sa performance, mais cela peut mieux prédire l’engagement et l’adéquation avec la culture de l’organisation. Parmi les théories simples et utiles en psychologie que tous les recruteurs devraient utiliser, il faut absolument s’approprier celle de la motivation intrinsèque et extrinsèque.

La théorie est simple : la motivation intrinsèque est liée au désir de s’accomplir en lien avec des leviers psychologiques et symboliques personnels. La motivation extrinsèque est liée aux attentes et aux contraintes du milieu en lien avec une norme ou une nécessité. Les candidats disposant d’une motivation intrinsèque ne cherchant pas de renforcement et préforment longtemps dans leur domaine. Les candidats avec une motivation extrinsèque ont des conditions de performance qui varient.

  1. Demandez aux candidats : « Qu’avez-vous choisi / voulu dans votre parcours / vos études / vos emplois / votre vie ? » ou « Qu’avez-vous fait pour vous fait que vous n’aviez pas pensé ou voulu mais qui finalement vous a convenu dans votre carriére ? »

  2. Questionnez les candidats : « Qu’est-ce qui vous donne le plus de satisfaction au travail ?« 

#7- Locus de contrôle

 Le locus de contrôle est une autre théorie psychologique démontrée et admise depuis longtemps qui donne une clé pour comprendre certains comportements liées à l’initiative, la responsabilisation, la volonté, la résilience et la gestion active de carrière.

Depuis 1954, cette théorie explique que nos croyances nous prédisposent à penser que le point de contrôle de notre environnement est nous-mêmes ou ce qui nous entoure. Le locus externe pousse les gens à dire que leur réussite est due au hasard et que leur échec est du à une erreur ou à un milieu défavorable. Pour le locus de contrôle interne, les événements de nos vies sont la conséquence de notre volonté et non le fait de facteurs externes. Cette composante de la personnalité serait stable dans le temps.

  1. Cherchez à savoir à quoi vos candidats attribuent leur réussite scolaire, professionnelle, familiale.

  2. Questionnez les candidats sur les causes de leurs échec et ce qu’ils en ont retenu aujourd’hui.

#8- Introspection et connaissance de soi

En entrevue de recrutement, le plus important est d’avoir un espace pour accéder à la personnalité authentique.

Pour cela, il faut un peu de temps en entrevue et surtout avoir un questionnement qui dirige le candidat vers plus d’introspection. Le but est de toucher la connaissance de soi ou de faire progresser avec l’entrevue de recrutement une petite partie de la connaissance de soi.  Mais cela prend aussi un intervieweur capable de sa propre introspection et d’une bonne connaissance de soi pour être un meilleur juge de personnalité.

  1. L’introspection et la connaissance de soi se développent de nombreuses façons et graduellement avec les rencontres qui font réfléchir, le sens critique personnel, les lectures orientées sur le développement personnel, les discussions intimes, les thérapies, la curiosité de se connaître, la spiritualité, etc.

  2. Demandez « Qu’avez-vous appris sur vous dans les derniers mois ou dernières années ? » « Qu’avez-vous cherché à mieux comprendre / contrôler / développer chez vous ?« 

  3. Posez des questions de réflexion personnelle du type « Expliquez-moi ce qui vous a fait penser à cela. » « Que vous êtes-vous dit à ce moment-là ? » « D’où vous vient ce traits de caractères / cet intérêt / ce talent ?« .

  4. Tentez de faire des rétroactions sur ce qui est évident sur les comportements, la communication et le parcours du candidat pendant l’entrevue. Vous injectez ainsi de l’information pour voir comment le candidat s’en saisit pour apprendre de lui-même ou parler de lui-même. Il y a bien sûr des candidats plus pudiques et plus réservés mais parfois, les plus bavard peuvent aussi être peu centrés sur leur vécu et connaissance personnelle.

  5. Quand un candidat repart en ayant le sentiment d’avoir appris sur lui ou s’être montré tel qu’il est, la satisfaction est plus grande et la qualité du lien établit est meilleure.

#9- Biais d’attention, de perception, d’interprétation, de décision

Last But Not Least, les biais ! Le second plus grand mal en recrutement après les questions fermées ce sont les biais ! Et nous en avons tous !

Quand un candidat masque ses réponses ou tout simplement quand il se connaît peu (faible introspection), le recruteur peut ajouter ses biais. C’est pour cela que le recruteur qui décide sans autre paramètre que le CV et son entrevue n’est pas plus prédictif que des algorithmes décisionnels comme le démontre la méta-étude publiée en novembre 2013 par des chercheurs montre qu’un simple algorithme surpasse de 25% le jugement humain pour prédire la performance d’un employé.

  1. Identifiez vos principaux biais. J’ai fait une liste de 12 biais les plus fréquents en recrutement (lire cet article).

  2. Nommez vos principaux biais c’est déjà en avoir conscience et pouvoir les adresser quand ils se présentent.

  3. Luttez contre vos biais : développez votre introspection, écoutez-vous raisonner, remettez en question vos standards, filtres, préférences et jugements hâtifs.

  4. Utilisez des outils de mesure plus objectifs et scientifiques : inventaires de personnalité, tests d’aptitudes, questionnaires de valeurs et motivations, mise en situation, panier de gestion, Assessement Center, essai professionnel.

#TRUMontréal : LA non-conférence sur le recrutement innovant

Retrouvez tous les articles sur l’édition 2014 ici http://trumontreal.com/

Merci à Sandrine Théard, consultante en ressources-humaines, fondatrice de La Source Humaine @Lasourcehumaine et organisatrice de #TruMontréal pour m’avoir invité à animer cet atelier.

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