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Six patrons virés, six leçons de recrutement

Michael Jeffries, PDG d’Abercrombie & Fitch. Dov Charney, Fondateur et PDG de American Apparel. Gregg Steinhafel PDG de Target. Brendan Eich, Co-fondateur et PDG de Mozilla. Ron Johnson, PDG de J.C. Penney. Christopher Viehbacher, PDG de Sanofi. Qu’ont en commun ces 6 patrons de grandes entreprises ? Ils ont été viré.

Les répercussions de leurs déclarations et de leurs décisions ont coûté cher aux actionnaires et à l’image de l’entreprise. 2014 nous a livré plusieurs exemples d’erreur de casting. Des erreurs parfois fracassantes. Brendan Eich a du démissionner après 11 jours.

Les PDG valsent. Le turn-over des « Chief Executive Officer » ou CEO au Canada aurait augmenté de 15% depuis 2013. Il ne fait pas bon être patron d’entreprises cotées en bourse. Les conseils d’administration, la bourse et les actionnaires mettent la pression dans un environnement turbulent de fin d’ère post-industrielle.

Ainsi va le recrutement des hauts dirigeants. Il ressemble de plus en plus à une gestion des risques autant qu’à la recherche des meilleures compétences sur le marché. Recruter les top performants ne suffit plus. Il faut recruter le match parfait à tous les niveaux : vision, opérations, représentation et culture.

Si on extrapole ces exemples publics de congédiement à tous le recrutement de cadres et de professionnels, que peut-on tirer comme enseignements en recrutement ?

1- Recherchez l’adéquation Personne-Culture.

En recrutant en 2011 Ron Johnson, J.C. Penney croit faire un bonne affaire pour entreprendre sa transformation radicale. La célèbre compagnie de grands magasins de centre ville aux États-Unis déchante rapidement. L’année suivante, l’offre en magasin surprend les acheteurs. Les ventes plongent. Son CEO avait pourtant un CV en or. Il a fait ses classes chez Target puis chez Apple où il a fait exploser les ventes. Parfait pour relancer la maque vieillissante de JC Penney qui s’est banalisée. Las !

Le patron aurait commis cinq fautes nous partage l’article du Time : il n’a pas écouté les besoins des clients, il n’a pas validé ses idées avant des les implanter, il changé trop vite les règles, il a développé une vision Apple pour JC Penney sans considérer la culture de base et enfin, il a abordé avec dédain et arrogance les clients et la culture de commerce populaire. On n’embauche pas une promesse inconditionnelle de résultats, on embauche la capacité à les faire arriver dans un nouveau contexte organisationnel.

Dans le processus de recrutement, la valeur d’un candidat n’est jamais dans la transposition de ce qu’il a fait ailleurs dans l’entreprise mais bien l’art et la manière de connecter avec une culture et de composer avec elle pour placer ses actions en accord avec elle. On peut vouloir la changer, mais il faut la comprendre et l’épouser avant de la transformer.

  1. Évaluez les valeurs qui stimulent un cadre dirigeant, un cadre intermédiaire ou un employé.

  2. Observez comment il réagit quand la culture lui renvoie des messages d’inadéquation. Comment ils gèrent les parties prenantes, comment ils traitent les enjeux politiques, comment ils communiquent et ils pilotent les changements quand tout est à transformer ou quand ils traversent une crise.

  3. Tout processus de recrutement de cadre devrait comporter des études de cas et des mises en situation qui révèlent mieux que les entrevues les comportements.

2- Recrutez une star, pensez-y deux fois.

Ron Johnson, CEO de J.C. Penney a œuvré en dédaignant la culture et en surestimant son impact sur le changement d’une organisation différente de celles qu’il a connu.

La tentation de recruter une star est grande et peut rapporter gros. Mais l’embauche d’une star coûte cher et demande toujours une gestion rigoureuse si l’on ne veut pas que cela se transforme en fiasco.

  1. Validez bien votre besoin en recrutement. Une « star » est-elle le meilleur choix pour vous ? Avez-vous la capacité et le mandat à lui offrir pour bien la gérer ? Sa personnalité est t-elle aussi rare et difficile que ses talents ?

  2. Méfiez-vous de l’effet de Halo que crée un candidat trop beau pour être parfait sur le papier ou en personne. Les plus prudents savent qu’il faut anticiper les conséquences des forces d’un candidat, qu’il faut préparer les prochaines étapes pour un candidat vedette et que son passage sera peut-être aussi superficiel sur sensationnel.

3- Clarifiez le mandat, sinon rien.

Christopher Viehbacher, CEO de Sanofi a été remercié fin octobre alors que les résultats étaient salués par les investisseurs et la bourse. La feuille de route a été suivi à la lettre. Pourtant, les enjeux de pouvoir entre le conseil d’administration et le patron d’origine germano-canadien ont beaucoup pesé dans un contexte culturel qui peut-être n’était pas bien aligné disent les analystes.

Après plusieurs fuites de projets dans la presse avant que le conseil d’administration en soit informé et la lutte pour avoir le contrôle de la présidence du CA, le CEO a été mis sur la sellette pendant plusieurs mois. Son style comptable et son approche plus personnelle des décisions n’a pas bien fonctionné avec une équipe d’administrateurs de style plus directif et contrôlant avec une culture française bien établie. Le PDG aurait « fait les frais d’une gestion probablement trop « anglo-saxonne » d’un groupe encore solidement ancré sur sa terre natale » nous indique la journaliste de l’usine nouvelle.

  1. Faites bien comprendre le rôle de la personne. Le recrutement est une communication à double sens. Il est important que le management et le recruteurs positionne bien le poste et le rôle en début de processus. Si le leader développe par la suite des ambitions et une vision différente de sa direction, c’est son rôle d’influencer et de gérer les parties-prenantes avant que le clash ne deviennent inévitable. Les objectifs d’affaires doivent toujours s’associer à des objectifs sociaux et culturels.

4- Communiquez habilement sur la décision d’embauche

Brendan Eich, Co-fondateur et CEO de Mozilla a du se retirer de ses fonctions alors qu’il a fait l’objet de pression des groupes d’usagers et de partenaires. Mozilla est une association qui a développé en mode open source le navigateur Firefox, l’alternatif à Internet Explorer de Microsoft. Les membres et le microcosme californien libéral n’ont pas apprécié voir que le nouveau CEO avait, 6 ans plus tôt, fait une donation de 1000$ à un groupe de pression qui militait contre le projet de loi Proposition 8. Ce projet de loi était en faveur du mariage homosexuel en Californie.

La communauté a réagit à l’information pourtant connue du conseil d’administration. Elle a eu une telle résonance sur les utilisateurs, que le CEO s’est retiré 11 jours après sa nomination. Comme en politique, même le meilleur candidat peut soudainement ne pas être socialement ou moralement acceptable. Au pays des libertés, un patron doit avoir un dossier « clean » ou le comité de recrutement doit s’assurer que les pièges d’une nomination soient écartés ou gérés.

  1. Faites un « Due Dilligence » soigneux du candidat finaliste. Assurez-vous que les éléments d’un dossier de candidat à haute visibilité ou grande sensible soient bien identifiés dans le processus de recrutement pour faire une analyse de risques prudente. Il arrive que les comités de sélection, même pour les grandes entreprises soient aveuglés et qu’un angle sensible reste invisible. Le « Risk Management » et l’ « eReputation Management » doivent assigner un processus de recrutement de qualité tout comme le plan d’intégration et de communication d’un nouveau cadre.

  2. Une fois votre candidat(e) retenu(e), communiquez bien la raison de votre décision d’embauche aux parties prenantes de votre organisation (direction, management, employés, clients, partenaires). Ce plan de communication doit rapidement adresser les éventuels écueils et un plan de crise si la fonction est explosée aux critiques.

  3. Redoublez de prudence dans un contexte de rareté de main d’œuvre, les candidats externes et les profils hors-cadre font se multiplier. Certains conseil d’administration et comités de gestion veulent du sang neuf pour importer d’autres méthodes et veulent initier les changements de rupture par de nouveaux dirigeants

5- Anticipez l’inflation des égos

Michael Jeffries, CEO d’Abercrombie & Fitch a créé la polémique. Fort de son succès commercial dans le vêtement depuis 1992 en établissant des standards très sélectifs, le CEO a commencé a dérailler en 2013. Il a annoncé les taille XL ne seraient plus stockées dans les 834 magasins aux US et les 166 autres dans le monde. Il communiquait le fait que seuls les clients les plus minces pouvaient porter ses vêtements. Critiqué aussi pour son recrutement discriminatoire basé sur le physique, le patron a essuyé de sérieux revers commerciaux en 2014 suite aux compagnes sur les réseaux sociaux des groupes de pression.

Idem pour son homologue Dov Charney qui a fondé American Apparel. Ses comportements controversés portaient sur le volet sexuel (exhibitionnisme, harcèlements, provocations publiques). The Guardian en fait une liste ici. Sans aller jusqu’à parler de trouble de personnalité, certains dirigeants et cadres peuvent manifester des comportements déplacés, inadéquats et préjudiciable à l’image de marque de l’entreprise. Rappelez-vous en 2013 de Guido Barilla qui déclarait publiquement ne pas vouloir vendre ses pâtes aux homosexuels. il a récolté un boycott.

  1. Assurez-vous que la personnalité, les « Soft Skills » et les habiletés interpersonnelles fassent partie de tout processus de recrutement ou de promotion au niveau supérieur. Ce volet est aussi important que les compétences, l’engagement, l’historique professionnelle et la vie publique. La personnalité conditionne grandement le succès, beaucoup plus qu’on ne l’imagine.

  2. Établissez des balises comportementales claires qui indiquent ce qui est attendu par les leaders. Chaque trait de personnalité excessivement sollicité ou sur-valorisé dans une organisation conduit les membres de l’organisation vers des biais. Le courage conduit à la rébellion, l’imagination à la perte de focus sur les livrables immédiats, l’excès d’assurance néglige les clients et les employés, la prudence conduit au conformisme et à la stagnation, etc.

6- Préparez la relève

Le recrutement de Ron Johnson pour JC Penney nous donne une autre leçon. Seulement 50% des entreprises canadiennes auraient un plan de relève. Recruter une personne externe à un poste clé voire aussi stratégique qu’un CEO, c’est faire le pari d’un changement choc (qu’il faut gérer) ou d’une complémentarité bien négociée. Selon IDC, d’ici 2018, 1 directeur marketing sur 4 sera remplacé chaque année. Le « Skills Gap » frappera fort une profession en pleine transformation digitale comme d’autres.

  1. Alimentez le pipeline des talents et de la relève est le meilleur investissement qu’une organisation puisse faire pour encourager et mobiliser ses employés et pour développer des candidats de qualité qui connaîtront parfaitement le contexte.

  2. Mettez en place des dispositifs de développement des gestionnaires et des leaders pour les identifier, les évaluer, les développer et les promouvoir.

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